Page:Archives curieuses de l’Histoire de France, série 1, tome 7.djvu/209

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faire plus sagement de sortir vistement hors de France que d’y demeurer plus longuement ; mais ils n’ont pas si tost esté hors du royaume (combien qu’ils se soyent retirez ès terres confédérées au Roy) que ses officiers, en beaucoup d’endroits, leur ont saisi et annoté leurs biens, les ont confisquez, vendu les meubles d’aucuns et d’aucuns autres saccagez et pillez.

Or, pour retourner aux choses de Paris, le Roy, le 5 du mois de décembre, ayant fait venir à soy Pezou, bouchier (l’un des conducteurs des Parisiens), luv demanda s’il y avoit encores dans la ville quelques huguenots de reste ; à quoy Pezou respondit qu’il en avoit jetté le jour auparavant six vingts dans l’eau et qu’il en avoit encores entre les mains autant pour la nuict venant. De quoy le Roy, grandement resjouy, s’en print à rire si fort que ne le sçauriez croire.

Le 9 de septembre, le Roy, esmeu de peur et de cholère tout ensemble, jurant et blasphémant qu’il vouloit tuer de sa main propre tout le résidu des huguenots, commanda qu’on luy apportast ses armes, se fit armer, et fit venir à soy les capitaines de ses gardes, disant que, par la mort-Dieu, il vouloit commencer à la teste du prince de Condé. Adonc la Royne régnante, s’agenouillant devant luy, le supplia qu’il ne fist point une chose de si grande conséquence sans l’avis de son conseil. Le Roy, aucunement vaincu des prières de sa femme, souppa et dormit avec elle. Le matin venu (ce feu luy estant un peu passé), il fit venir le prince de Condé, auquel il proposa trois choses : la messe, la mort ou prison perpétuelle, et qu’il advisast laquelle des trois luy agréeroit le plus. Le prince de Condé respondant luy dit que, moyennant la grâce de Dieu, il ne choisiroit jamais la première ; les deux dernières, il les laissoit (après Dieu) à l’arbitrage et disposition du Roy.