Page:Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première Série, Tome VIII.djvu/84

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Il reste encore une question à examiner. Ne pourrait-on faire une distinction entre les divers titres de créance, et réduire ensuite les emprunts dont les conditions auraient été favorables aux préteurs ?

Vous verrez, Messieurs, que l’utilité de cette opération n’aurait aucune proportion avec les inconvénients qui résulteraient d’une atteinte donnée aux principes universels de bonne foi nationale et aux bases si importantes de la confiance publique. On ne sait où l’on peut s’arrêter quand on se permet de discuter les circonstances d’un engagement simple ; et comme tout ce qui est soumis à une opinion arbitraire ne présente à l’esprit aucune circonscription positive, on forcerail les prêteurs à mettre à l’avenir, au rang de leurs calculs, le risque d’une pareille inquisition ; l’intérêt de l’argent se ressentirait de ce nouveau genre de danger , et l’Etat rachèterait longtemps le bénéfice d’un jour, bénéfice même très-modéré, si l’on voulait dans l’examen observer les principes d’une raisonnable équité. On ne peut se former à l’avance une juste idée des avantages que l’Etat pourra tirer non-seulement de la hausse excessive du prix des fonds publics, mais encore de la tranquillité, de l’assiette, s’il est permis de s’expliquer ainsi, de toutes les imaginations relativement à la dette publique.

Cette dette est si immense que la disproportion entre la valeur numéraire des fonds publics et la rente annuelle qui s’y trouve attachée influe d’une manière immédiate et décisive sur le prix général de l’intérêt de l’argent, et il résulte de cet objet de comparaison que l’agriculture et le commerce ne trouvent point de secours , ou sont obliges de les acheter à des conditions que les bénéfices ordinaires de ces exploitations ne permettent pas d’accepter.

Enfin, les inquiétudes, les incertitudes au moins des propriétaires de fonds publics sur les facultés du trésor royal et sur la constance des principes du gouvernement, entretiennent une vacillation continuelle dans le prix des fonds, et cette vacillation est augmentée par l’influence de tous les bruits, de toutes les fausses nouvelles, de toutes les insinuations insidieuses et de toutes les manœuvres de l’agiotage. Mais cet ascendant, ce pouvoir qu’on obtient si facilement sur l’imagination, quand elle erre au hasard et ne sait à quoi se fixer, ce pouvoir s’affaiblira successivement si les propriétaires des fonds publics acquièrent enfin une opinion certaine sur le sort de leurs créances, et si les principes de fidélité consacrés dans une Assemblée nationale leur servent à jamais de garants.

11 résultera encore un grand avantage de cette stabilité dans les opinions, c’est que le commerce des fonds publics cessant graduellement de présenter un spectacle de révolutions, tout l’argent qui environne cette table de jeu cherchera quelque autre emploi ; le commerce et l’agriculture y gagneront, et l’esprit immoral qui est l’effet inévitable d’une cupidité active et journalière perdra peu à peu de sa force.

C’est ainsi, Messieurs, qu’une grande suite, qu’une grande diversité d’avantages résulteront nécessairement du premier principe de fidélité que vous consacrerez. Bel et superbe apanage de la vertu publique et particulière ; c’est la tige primitive et féconde d’où naissent une multitude innombrable de ramifications qui produisent avec le temps des fruits salutaires.

Oui, Messieurs, et vous l’entendrez avec intérêt dans un discours commandé par votre souverain et qui a reçu la sanction de son autorité : il n’y a qu’une seule grande politique nationale , qu un seul principe d’ordre, de force et de bonheur, et ce principe est la plus parfaite morale ; c’est en s’en écartant qu’on est obligé de changer de guide à chaque instant, et qu’on prend pour de l’habileté l’art de se tirer d’une difficulté que soimême on a fait naître, et le talent d’en créer de nouvelles qui exigeront encore de nouveaux ressorts et de nouveaux expédients, tandis que dans l’exercice d’une honnêteté et d’une fidélité parfaites, tout s’enchaîne aisément, tout se tient, tout se lie, tout annonce que ce beau système moral est l’ouvrage chéri de l’Etre suprême ; il ressemble au mouvement régulier de tous les corps physiques, qui s’élève, s’accroît, se fortifie sans effort et sans confusion, et ne s’arrête ou ne s’interrompt que lorsque les vents ou les orages viennent détruire ses lois et s’opposer avec violence à sa marche simple et réglée. On ne pourrait défendre la cause des pensionnaires d’une manière aussi générale que celle des créanciers de l’Etat, puisque la distribution des grâces et des récompenses, n’ayant pas été constamment assujettie à des principes fixes, est plus susceptible d’erreur et de critique. Cependant, Messieurs, vous penserez au moins que le Roi ayant fait, il y a un an, une réduction de 5 millions sur cette partie des dépenses, ce n’est pas d’une manière rapide ni générale qu’on peut y chercher une nouvelle ressource. Le Roi écoutera vos observations à cet égard, et vous fera donner les éclaircissements que vous pourrez désirer ; vous verrez, et avec peine peut-être, en vous occupant uniquement d’économie, que la plus grande partie de la dépense des pensions est répartie en portions modiques au soulagement des militaires ou d’autres serviteurs de l’Etat, et que les titres de ces pensions pour les uns, l’ancienne habitude pour les autres, exigent du respect ou du ménagement.

Les considérations qui viennent au nom de l’humanité appuyer les droits d’une ancienne possession ne sont pas applicables à l’avenir ; aussi Sa Majesté avait-elle ordonné aux divers départements d’observer, pour les nouvelles demandes de grâces pécuniaires, une mesure proportionnée à la moitié des extinctions ; cette mesure serait peut-être moins susceptible d’erreur ou de contestation, en déterminant la somme numéraire des pensions qui seraient accordées chaque année. Le roi , Messieurs, a toujours adopté avec goût et avec estime les dispositions d’ordre qui lui étaient proposées, et Sa Majesté désire ardemment que vous puissiez, en relevant les idées d’honneur patriotique, augmenter les prix des récompenses qui ne coûtent rien au trésor royal, qui ne font point verser de larmes au peuple, et qui n’ont reçu d’atteinte dans l’opinion que par ces mésalliances de sentiments qui ont réuni trop souvent le désir public des distinctions et l’amour secret de l’argent. C’est un grand point sans doute que de pouvoir considérer la possibilité de couvrir le déficit annuel, le déficit dont on se formait une idée effrayante, sans avoir besoin de recourir à aucun moyen injuste ou sévère, à aucun moyen surtout qui dérange le sort du peuple ; mais la tâche dont il est nécessaire de s’occuper n’est pas encore remplie. L’établissement d’un juste équilibre entre les revenus et les dépenses fixes est sans contredit l’objet le plus essentiel, puisque, de cette manière, non-seulement on remédie à un