Page:Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première Série, Tome VIII.djvu/85

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grand mal, mais on arrête encore ses progrès. En effet, la nécessité de suppléer par des emprunts au déficit habituel augmente annuellement ce déficit ; et ce progrès devient considérable lorsque la mesure du crédit oblige de souscrire à des intérêts onéreux. Ce sera un grand moment de repos, ce sera un beau jour d’espérance que celui où les revenus et les dépenses fixes de l’Etat se trouveront au niveau : c’est d’une base ainsi posée, c’est d’un sol ainsi raffermi, que l’on pourra contempler avec calme tout ce qu’il reste encore à faire pour achever de donner aux finances de l’Etat leur entière activité, et pour établir dans toutes les parties un ordre parfait et durable.

Supposons maintenant qu’au moyen d’un choix quelconque d’économies et de ressources nouvelles, les revenus et les dépenses fixes de l’Etat soient mis dans un juste équilibre, vous aurez encore à fixer votre attention sur trois questions très-importantes, et qui ont aussi leur difficulté : Premièrement, comment doit-on remplir les besoins de cette année, et suppléer aux dépenses extraordinaires de 1790 et 1791 ? Secondement, quelle est l’étendue des anticipations ?


Troisièmement, quels moyens devront être adoptés pour avoir une somme applicable à des remboursements ?

Examinons d’abord la première de ces questions.

ANNÉE COURANTE.

On mettra sous vos yeux, Messieurs, l’état spéculatif des dépenses et des revenus libres de celte année. Vous verrez qu’en comptant sur le renouvellement d’anticipations le plus vraisemblable, il faudrait un secours extraordinaire de 80 millions. On vous proposera les emprunts ou les ressources qui vous paraîtront le plus convenables, et cependant, Messieurs, vous remarquerez avec satisfaction que l’intérêt de l’emprunt nécessaire pour balancer les besoins de l’année est compris à l’avance dans le compte des revenus et des dépenses fixes dont on vuus a déjà donné connaissance, en sorte que cet intérêt n’augmentera point le déficit. On doit vous faire observer que le secours nécessaire pour cette année ne se monterait pas si haut, si jusqu’au 31 décembre l’on réduisait chaque semaine les fonds destinés aux payements de l’Hôtel-de-ville à la même somme qui y a été destinée depuis quelque temps ; mais on rie peut équitablement exiger des rentiers une plus longue indulgence, et vous trouverez sûrement juste, Messieurs, que les six derniers mois de 1788, dont le payement s’ouvrira dans le cours de ce mois, soient acquittés en entier à la fin de cette année, et que les rentes soient payées désormais avec la plus parfaite exactitude. Vous remarquerez, cependant, Messieurs, que si le Roi se borne à faire acquitter d’ici à la lin de l’année le dernier semestre de l’année 1788, et s’il ne paye ensuite que six mois tous les six mois, il y aura constamment un semestre en arrière L’Etat aurait donc obtenu de la part des rentiers un sacrifice, ou du moins une facilité d’environ 75 millions, puisque la totalité des intérêts payables à l’Hôtel-de-ville se monte aujourd’hui à environ 150 millions. Ces six mois de retard pour les rentes viagères seront dus et payés à la mort des rentiers, ce qui réduira le bénéfice réel des extinctions à environ moitié pour l’année seulement où ces extinctions surviendront ; et enfin si le temps augmente la richesse de l’Etat, vous aurez à examiner. Messieurs, s’il convient de faire un emprunt extraordinaire pour acquitter plus tôt le semestre en arrière. Mais à en juger par l’esprit de douceur et de conciliation avec lequel les rentiers se sont prêtés depuis près d’un an aux circonstances pénibles de la finance, il est à présumer qu’à l’époque où la nation entière assurera le payement de leurs intérêts de la manière la plus exacte et la plus invariable, ils ne regretteront pas d’avoir concouru dans quelque chose a la diminution des embarras présents : ils ne sauraient calculer ce qu’ils auraient perdu, si le désordre s’était mis dans les affaires, et si le progrès du discrédit avait affaibli sensiblement la valeur de leurs capitaux.

Je crois même qu’ils ne seront pas jaloux d’un sacrifice que le Hoi voudrait faire en même temps au soulagement des contribuables, et qu’il est nécessaire de vous expliquer :

Il est dû par les peuples de grands arrérages sur la taille, les vingtièmes et la capitation ; et vous en jugerez, Messieurs, si vous faites attention que la recette annuelle des recouvrements est composée en général de trois cinquièmes à peu près appartenant à l’année courante, et de deux cinquièmes provenant des impositions relatives à l’année antécédente, disposition qui jette beaucoup d’embarras et d’obscurité dans les comptes ; ces deux cinquièmes, quoique légitimement dus au Roi, sont constamment en arrière, et servent seulement de motif pour resserrer de temps à autre le payement des contributions et procurer ainsi un secours extraordinaire au trésor royal de 3 ou 4 millions : vous en avez vu l’exemple, Messieurs, dans le compte des recettes extraordinaires de l’année dernière. Le Roi, Messieurs, avec votre avis, voudrait faire remise entière à son peuple de tous ces arrérages qui se montent à environ 80 millions, sous la condition néanmoins qu’à l’avenir chaque année d’imposition serait payée dans le cours des douze mois qui la composent, en sorte que le sacrifice du trésor royal consisterait dans une renonciation à la faculté légitime qu’aurait le souverain d’user de ses droits à la rigueur, en faisant payer, avec l’année courante, une portion quelconque des arrérages.

Vous examinerez, Messieurs, cette idée ; et si vous la trouviez susceptible d’inconvénients, vous n’en rendriez pas moins hommage aux intentions bienfaisantes de Sa Majesté.

Les besoins extraordinaires pour les années 1790 et 1791 ne sont connus qu’imparfaitement, parce qu’ils dépendent en partie de liquidations encore incertaines ; on vous en donnera l’indice général, et il y a lieu de présumer que les extinctions viagères de l’année 1790 suffiront pour obtenir un "capital équivalant à ces dépenses passagères.

On doit cependant faire observer ici que la mesure des besoins extraordinaires ne doit jamais être annoncée d’une manière positive, puisque diverses circonstances imprévues peuvent accroître ces sortes de dépenses.

On étendrait trop loin, Messieurs, ce premier discours, si l’on vous présentait toutes les explications que chaque partie séparée pourrait exiger ; elles vous seront données dans le cours de vos travaux. Ce qui importe le plus dans ce moment, c’est de vous présenter un enchaînement qui facilite votre marche, et vous empêche de perdre du