Page:Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première Série, Tome VIII.djvu/86

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temps en cherchant une route dans un pays encore nouveau pour le plus grand nombre des membres de cette Assemblée.

A l’avenir, et lorsque les comptes de finance auront été soumis à une forme simple et très-intelligible, à une forme surtout rendue constante et invariable, vous n’aurez besoin d’aucun secours de la part de l’administration des finances, et ce sont les Etats généraux eux-mêmes, Messieurs, qui conserveront la filiation de toutes les connaissances, de toutes les instructions qui pourront répandre une parfaite clarté sur les iinances en général et sur toutes les parties qui en dépendent.

Cette clarté, ce grand jour, seront le plus sûr appui de la confiance publique ; et l’intention du Roi est que ses ministres secondent sans réserve le désir que vous aurez, Messieurs, de tout connaître et de tout entendre ; car un esprit de critique ne sera point votre guide, et vous ne chercherez point la perfection pour le plaisir de rabaisser les soins de l’administration, mais pour faire jouir la France de l’avantage incommensurable qui peut naître de la réunion de vos lumières.

11 est bien aisé de trouver quelque erreur ou quelque omission dans le vaste ensemble dont on mettra sous vos yeux toutes les parties ; ni l’ordre, ni la méthode, ni les recherches préalables absolument nécessaires n’ont coûté de peines à ceux qui en deviennent les juges ; et leur esprit en repos, pendant qu’ils parcourent tout ce qui est bien, a d’autant plus de moyens pour saisir avec activité les fautes qui ont* pu échapper à l’attention de l’ouvrier général. Mais peu importe après tout ; vous irez en avant vers le but qui intéresse lehonheur public, de telle manière qu’il vous plaira ; et pourvu que vous approchiez de ce terme, toutes les autres considérations, toutes les particularités deviennent indifférentes. On a fixé votre attention sur les moyens propres à établir le niveau entre les revenus et les dépenses fixes et sur les ressources qu’on peut employer pour subvenir aux besoins extraordinaires dont on vous a donné connaissance. Il reste encore deux parties importantes dans la gestion des finances : l’une concerne les anticipations ; l’autre les remboursements. ANTICIPATIONS.

L’on entend par anticipations la partie des revenus du Hoi qui s’y consomme à l’avance. Cette disposition s’effectue au moyen de rescriplions et d’assignations qui sont tirées communément à un an de terme sur les impositions payables à cette distance, et l’on négocie ces différents papiers en accordant le bénéfice d’un intérêt et d’une commission ; c’est là ce qui constitue la dépense annuelle des anticipations, dépense proportionnée à l’étendue de la somme empruntée sous cette forme. Une telle dépense subsistera tant que les anticipations seront renouvelées : il faudrait donc, pour la faire cesser, destiner un fonds extraordinaire à l’amortissement du capital. La facilité de négocier et de renouveler ces anticipations dépend absolument de la continuation du crédit, et quand ce crédit s’affaiblit, on est obligé de chercher d’autres ressources : ainsi le grand inconvénient des anticipations, entre plusieurs autres, c’est de ne laisser jamais une entière sécurité.

Les anticipations qui portent sur l’année 1790 se montent à 90 millions, mais il y a 172 millions consommés à l’avance sur les revenus des huit derniers mois de cette année. Ou se propose, et par prudence et par nécessité, de réduire le renouvellement de cette partie des anticipations à 100 millions, et c’est essentiellement par ce motif qu’un nouveau secours de 80 millions est nécessaire, ainsi qu’on vous l’a expliqué, Messieurs, en vous entretenant des besoins particuliers à l’année courante.

On n’est jamais sûr, Messieurs, du renouvellement des anticipations ; ainsi, tant qu’elles no seront pas bornées à une somme qui rende leur négociation à l’abri d’incertitude, on pourrait se trouver dans l’obligation de recourir à un emprunt inattendu. Cet emprunt, à la vérité, ne diminuerait pas les revenus du Roi, puisqu’il remplacerait une somme d’anticipation dont l’intérêt et les frais l’ont partie des charges de l’Etat, ainsi que vous aurez pu le remarquer dans le tableau de» dépenses fixes.

On dira peut-être que le moyen le plus simple serait de convertir toutes les rescriptions et toutes les assignations à terme en des effets portant 5 0/0 d’intérêt, jusqu’à l’époque éloignée où l’on pourrait en faire le remboursement, et cette opération s’appelle, en langage de finance, suspendre les rescriptions.

Une telle disposition sans doute affranchirait de tous les embarras, et entre toutes les manières de déroger à ses engagements, ce serait peut-être la plus tolérable. Mais pourquoi manquer à aucun, si l’on peut éviter cette faute, ce malheur, cette honte, et si on le peut sans blesser même les intérêts communs de l’Etat ! Ah ! sans doute, une si honorable Assemblée préférera toujours les moyens les plus exempts de reproche, et l’exercice d’une bonne foi saus tache, à des expédients dont le principe est infiniment dangereux. On ne doit pas douter que, si les anticipations étaient une fois réduites à 100 millions, elles se négocieraient avec une extrême facilité et à un intérêt très-modéré ; car ces sortes de placements sont fort recherchés, et ils conviennent même à l’activité de la circulation ; c’est un moyen de ne pas laisser oisifs, pendant un long intervalle, les capitaux dont le propriétaire veut disposer à un terme fixe.

REMBOURSEMENTS.

Les remboursements ne sont portés dans aucun des tableaux qu’on vous a présentés ; ils ont été suspendus par l’arrêt du conseil du 16 août dernier ; ainsi on ne les a compris ni dans la classe des dépenses fixes, ni dans celle des dépenses extraordinaires de cette année.

Cependant il est juste, il est utile de revenir sur celte suspension dans une mesure quelconque.

Les remboursements, tels qu’ils existaient avant la suspension ordonnée par le Roi, se montaient à 76,002,367 livres, et ils devaient s’élever un peu plus haut cette année, suivant l’accroissement indiqué par les arrêts ou les édits de création de plusieurs emprunts.

Il est manifeste que, dans la situation présente des affaires, l’Etat ne pourrait exécuter des remboursements si considérables, sans recourir à des contributions au-dessus des facultés du peuple. On ne proposerait pas sans doute de balancer ces remboursements par de nouveaux emprunts ; il faudrait, pour employer cette ressource, se soumettre à des négociations très-onéreuses, et dont