Page:Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première Série, Tome VIII.djvu/97

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flexions ; et ce mouvement, semblable à celui d’un fleuve majestueux qui arrose et fertilise les campagnes, multipliera dans ce beau royaume tous les genres de prospérités. C’est alors "que la France présentera le plus magnifique des spectacles, celui du concours de toute l’action du génie de la nation la plus industrieuse et la plus animée, avec l’essor de la nature physique la plus variée et la plus féconde dans ses bienfaits. Quel accord ! quelle union ! et que ne peut-on pas en attendre !

C’est dans les Etats généraux que le bonheur public doit se renouveler, et c’est par eux qu’il doit se maintenir et s’accroître. Ainsi, vous serez appelés sans doute à examiner les avantages et les inconvénients des formes qu’on a cru devoir observer pour la convocation de cette première Assemblée ; vous prendrez connaissance des longueurs et des difficultés qui en sont résultées ; vous examinerez toutes les disparités qui sont une conséquence des anciennes sections d’arrondissements ; enfin l’expérience venant de rendre sensibles diverses imperfections inséparables du plan qu’on a suivi pour se rapprocher des anciens usages, vous penserez, Messieurs, qu’un de vos plus grands intérêts est de présenter au Roi de nouvelles idées, et de former des plans qui soient médités avec assez de sagesse pour obtenir l’approbation de Sa Majesté et pour répondre au vœu commun de la nation. Toutes les dispositions, Messieurs, qui ont servi à vous rassembler, se trouvent entées pour ainsi dire sur le tronc antique et respecté de la constitution française ; mais les changements survenus dans nos* mœurs et dans nos opinions, l’agrandissement du royaume, l’accroissement des richesses nationales, l’abolition surtout des privilèges pécuniaires, si cette abolition a lieu, toutes ces circonstances et beaucoup d’autres exigent peut-être un ordre nouveau ; et si le gouvernement se borne en ce moment à fixer votre attention sur cette pensée, ce n’est pas qu’il demeure étranger à une si importante délibération ; mais les égards dus aux lumières de cette auguste Assemblée doivent détourner de lui proposer d’autre guide que ses propres réflexions. On a recueilli pour cette fois les débris d’un vieux temple ; c’est à vous, Messieurs, à en faire la révision et à proposer les moyens de les mieux ordonner. Vous remarquerez peut-être, à cette occasion, l’inconséquence ou la légèreté de l’esprit du jour, qui se plaît à juger des arrangements momentanés avec la même sévérité qu’il devrait employer pour apprécier des institutions immuables. Encore si c’était toujours de perfection qu’on fût avide ; mais l’ardeur avec laquelle on épie les erreurs ou les fautes de ceux qui agissent, donne souvent à penser qu’on en fait la découverte avec plaisir.

Enfin, Messieurs, et pour revenir à des idées plus douces, lorsque de concert avec votre auguste souverain vous aurez posé les bases premières du bonheur et de la prospérité de la France, et lorsque vous aurez encore marqué les pierres numéraires qui doivent vous conduire dans la vaste route du bien public, vous ne négligerez pas d’apercevoir que plus un gouvernement se met dans la nécessité d’être juste, et plus il faut affermir son action. Une nation sourdement mécontente des fautesou desabus de l’administration ne tarde pas à se complaire dans toutes les oppositions et les résistances ; mais un tel esprit doit changer, lorsque par de sages précautions la marche du gouvernement se trouve unie pour toujours aux principes qui doivent assurer la félicité publique. Le Roi désire avec passion que tout ce qui est juste en administration soit connu, soit déterminé, soit invariable ; mais il désire, mais il veut absolument que l’autorité souveraine puisse maintenir l’exécution des disiwsitions conformes aux lois, et défendre l’ordre public contre toute espèce d’atteinte. Le meilleur dos gouvernements ne serait qu’une belle abstraction, si le moment où la puissance royale doit déplover toute son action restait encore incertain, et" si cette puissance, une fois en accord avec le vœu général, avait des résistances à ménager et des obstacles à vaincre. Il ne faut pas, Messieurs, que les ennemis de la tranquillité publique et de la prospérité nationale puissent placer leur espoir dans une confusion, suite inévitable d’un défaut d’harmonie entre les forces protectrices des destins de la France.

Vous considérerez la situation du royaume, vous verrez ce qu’il est, et ee qu’il a besoin d’être dans l’ordre politique de l’Europe ; et en arrêtant votre attention sur l’ancien état de la plus respectable des monarchies, vous étendrez au loin vos réflexions, et non contents des premières acclamations du peuple français, vous aspirerez encore au suffrage réfléchi de toutes les nations étrangères.decesnationsdontlejugement, à l’abri de nos passions du moment, représente celui de la postérité, de ces nations qui, vous considérant dans le tableau de l’histoire, ne croiront à la durée d’aucune de vos dispositions si vous perdez de vue ce qu’exigent impérativement les tirandes circonstances de ce vaste empire, sa position, ses relations extérieures, la diversité de ses usages, dont les uns sont constitutifs, les autres affermis par le temps, l’effet inévitable de ses richesses et plus encore peut-être le génie et le caractère de ses habitants, les anciens préjugés, les vieilles habitudes, enfin tous ces liens qu’on ne peut jamais rompre avec violence, et que la prudence d’un grand corps politique doit sagement apprécier.

Le Roi, Messieurs, en considérant par la pensée cet important édifice de bonheur et de puissance que vous pouvez l’aider à élever, désire véritablement qu’il puisse être fondé sur les bases les plus assurées : cherchez-les, indiquez-les à votre souverain, et vous trouverez de sa part la plus généreuse assistance.

Le Roi, Messieurs, éclairé par de longues traverses, par ces événements précipités qui doublent en quelque manière les années de l’expérience, aime plus que jamais la raison, et en est un bon juge. Ainsi, lorsque les premières fluctuations inséparables d’une réunion nombreuse seront arrêtées, lorsque l’esprit dominant de cette Assemblée sera dégagé des nuages qui pourraient d’abord l’obscurcir, enfin lorsqu’il en sera temps, Sa Majesté appréciera justement le caractère de vos délibérations ; et, s’il est tel qu’elle l’espère, s’il est tel qu’elle a droit de l’attendre, s’il est tel enfin que la plus saine partie de la nation le souhaite et le demande, le Roi secondera vos vœux et vos travaux ; il mettra sa gloire à les couronner ; et l'esprit du meilleur des princes >e mêlant pour ainsi dire à celui qui inspirera la plus fidèle des nations, on verra naître de cet accord le plus grand des biens et la plus solide des puissances.

C’est à vous, Messieurs, à préparer une si belle alliance, c’est à vous à former un semblable nœud ; et pour y parvenir vous écarterez tous les svstôines exagérés, vous réprimerez tous les abus de l’imagination, vous vous défierez de toutes les