Page:Ardel - Le Chemin qui descend.pdf/11

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mencer à se débrouiller dans la vie, quand… — faut-il le regretter ?… j’estime que non. — quand cette vie ne lui offre pas une route toute tracée, sablée d’or. Je pense, en effet, que c’est l’effort, bravement accepté et accompli, qui crée l’être de valeur. Et, à tous égards, je suis ambitieuse pour toi, mon enfant selon l’affection.

« Mais, de toutes ces graves questions, nous allons causer bientôt.

« Bonsoir, chérie. Je te laisse parce que j’ai encore beaucoup à « paperasser » avant de pouvoir aller dormir. Et je suis un brin lasse. Car, tantôt, il est venu au dispensaire beaucoup de misère et de souffrances ; et nous avons dû nous dépenser pour soigner, apaiser, soutenir.

« Un tendre baiser, ma petite fille, et bon retour ! »

Lentement, le geste machinal, Claude plia le papier et releva la tête ; son regard cherchait l’horizon, d’où le vent d’équinoxe entraînait, sur la plage déserte, de grosses vagues limoneuses qui venaient s’écraser sur le galet. La mer était toute proche ; au delà des prairies où paissaient des vaches paresseuses ; après la route grimpant vers Landemer que bordaient de vieux arbres magnifiquement déjetés et tordus par le souffle du large. Les yeux de Claude enveloppaient le paysage qu’elle avait aimé, et soudain, elle murmura lentement :

— Partir. Oui, je vais partir. Que cela me paraît dur… Est-ce l’effet des vacances ?… Comme je me sens lâche !

Elle avait croisé les mains autour de son genou ; et, immobile, le visage vers la mer, elle songeait.