Page:Ardel - Le Chemin qui descend.pdf/12

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Des images, des souvenirs, des pensées imprécises erraient, confus, en son cerveau ; pareils à des ombres qu’elle regardait presque curieusement, interrogative un peu, aussi. Et attentive devant ce monde mystérieux qu’elle apercevait au plus profond de son âme, elle devenait étrangère aux choses extérieures. Elle n’entendait même pas l’éclat des rires, les voix aiguës des fillettes jouant dans la prairie allongée vers la route qui passait plus bas… Les fillettes de la colonie de vacances auxquelles la présidente de l’œuvre, la vieille marquise de Ryeux, donnait l’hospitalité dans l’une de ses fermes, aménagée à cet effet ; celle qui hébergeait aussi Claude et sa compagne, Mlle de Villebon, surveillante volontaire de la bande des vingt-cinq gamines.

Mais une rafale emporta brusquement, des mains de Claude, la lettre qu’elle tenait encore et la jeta à terre. Aussitôt alors, d’un bond souple de créature très jeune, elle se mit debout. Ramassant les feuillets, elle les posa sur la table, passablement encombrée. Beaucoup de livres ; des cahiers de musique ; un buvard fermé près de l’encrier ; et, dans un vase de grès, veiné de flammes, deux lourdes roses thé dont la senteur forte s’épandait dans la chambre, où librement entrait l’air vif, saturé d’odeurs salines.

Elle était très humble, cette chambre, meublée par les fermiers, qui, aux jours d’été, la louaient aux étrangers désireux de payer peu. Un pauvre lit de noyer ; des chaises de paille ; une vaste armoire normande ; aux murs, un pâle papier gris, enguirlandé de bleuets fanés où des rectangles plus foncés indiquaient de naïves réparations, et la