Page:Ardel - Le Chemin qui descend.pdf/13

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place des pitoyables lithographies que Claude avait bien vite enlevées.

Et dans ce cadre, modestement laid, — qui pour faire oublier sa laideur offrait la vision d’un superbe horizon de mer, — dans ce cadre, des raffinements inattendus, œuvre de son hôte passagère : la bande harmonieuse d’un voile indien cachant le marbre fendu de la cheminée ; tout un jeu de brosses d’écaille, chiffrées de filigrane d’or ; des flacons coiffés d’argent sur un tapis de linon, incrusté de guipure ; un violon ; et sur la commode, revêtue elle aussi d’une toile rousse ajourée, quelques photographies de musiciens que de minait la tête tourmentée de Beethoven ; puis une reproduction en gravure de l’ « Orphée » de Gustave Moreau. Mais pas un portrait qui pût dévoiler la vie de cœur de Claude Suzore ; pas même celui de la grande amie qui l’avait élevée, orpheline, remplaçant sa mère morte toute jeune.

La lettre mise dans son buvard, elle demeurait debout, les yeux vers la mer. Elle avait noué ses mains croisées derrière la nuque, renversant un peu la tête et le buste. Et la glace verdissante reflétait le jet svelte d’une forme souple extrêmement, sous la blouse lâche et la jupe unie qui modelait la ligne des hanches… Ainsi, dans l’eau obscure du miroir, apparut le visage qui ne se laissait pas facilement oublier car il avait l’originalité, un peu ambiguë, de certaines têtes d’adolescent chez les maîtres italiens. Cela, à cause, peut-être, des boucles courtes, d’un châtain cuivré, qui échappaient aux bandeaux, séparés par la raie de côté, tandis que la masse des cheveux se tordait, lourde, sur la nuque. Dans la chaude blan-