Page:Ardel - Le Chemin qui descend.pdf/14

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

cheur de la peau, les sourcils s’allongeaient, — en un trait si net qu’il en était presque dur, — au-dessus des prunelles larges et sombres qui ne livraient point l’intimité de l’âme ; des prunelles un peu dédaigneuses comme l’étaient, au repos, les lèvres volontaires, que la vie jeune empourprait.

Comme elle tournait à demi la tête, Claude rencontra son image. Alors, sans un mouvement, elle la considéra, comme elle eût contemplé celle d’une étrangère qu’elle aurait soudain interrogée. Puis, tout ensemble railleuse et grave, elle marmotta :

— Oui, Claude, ma chère, c’est fini le bon temps de la liberté ! De nouveau, vous allez vous retrouver à l’attache. Que va-t-il faire de vous, l’hiver qui vient ?…

En elle, frémissait encore l’espèce de révolte qui, tout à coup, avait jailli de quelque mystérieux abîme en son âme, quand la lettre d’Élisabeth Ronal avait éveillé la brusque vision des entraves, des obligations, des difficultés de toute sorte qu’allait lui imposer la nécessité de tracer son sillage d’artiste. Puisqu’elle était de celles qui doivent faire leur vie…

Non qu’elle hésitât jamais devant la peine.

L’exemple et l’éducation d’Élisabeth Ronal l’avaient bien trempée ; et un orgueil inné lui faisait aimer l’idée directrice de sa vie, « ne rien devoir qu’à elle-même ». Dans le cabinet de travail de cette amie d’enfance de sa mère, qui l’élevait, petite fille isolée ne pouvant porter le nom de son père, elle avait entendu soulever, remuer, discuter bien des questions, par des esprits la plupart très supérieurs ; analyser le rôle de la femme, de la jeune