Page:Ardel - Le Chemin qui descend.pdf/15

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fille du vingtième siècle, consciente de ses responsabilités librement acceptées ; de ses droits, égaux à ceux de l’homme, qui, pour elle, pouvait être un allié, jamais un maître, — sinon un maître intellectuel, un éducateur de par sa valeur morale.

Très intelligente, passionnément avide d’apprendre, elle avait mené, très jeune, la vie d’une étudiante dont le cerveau possède d’inlassables curiosités. Cloîtrée avec joie dans le travail, aux heures où elle n’appartenait pas toute à son violon et au Conservatoire, elle s’en allait, insatiable d’entendre, suivre en Sorbonne les leçons faites par les personnalités qui l’attiraient ; écoutant cours et conférences, comme jadis les Hébreux recevaient la manne vivifiante ; mais accueillant la parole entendue avec une audacieuse indépendance de jugement.

Et encore, elle aidait le docteur Élisabeth au dispensaire — dont celle-ci était directrice, — mêlée au groupe des infirmières volontaires, toutes des femmes du monde. Souvent, elle lui avait été un précieux secrétaire.

Non, ce n’était pas devant les perspectives de sa laborieuse existence que se rebellait en elle un obscur instinct. Mais on eût dit que les deux derniers mois, où elle venait de vivre uniquement à sa guise, avaient éveillé en elle une soif de liberté que, jusqu’alors, elle n’avait jamais connue, même en ses précédentes vacances.

Tout à coup, sa pensée, habituée à l’analyse psychologique, découvrait l’existence d’une Claude nouvelle, venue elle ne savait d’où, à qui le devoir semblait une belle boîte vide dans laquelle il était bien naïf d’enfermer sa vie.