Page:Ardel - Le Chemin qui descend.pdf/16

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Une Claude nouvelle qui considérait, stupéfaite, telle une étrangère, l’autre Claude, l’ancienne, celle qui avait quitté Paris au début d’août, lasse de l’âpre labeur de l’année, spontanément cherché. La nouvelle Claude, elle, était flâneuse ; elle adorait courir les chemins de falaise ; y ouvrir, à sa fantaisie seulement, sans méthode, le livre qu’elle emportait toujours ; ou même, demeurer inactive, la pensée nonchalante, à contempler la course des vagues, les neiges de l’écume, les jeux changeants de la lumière sur la houle des eaux, sur les branches que cuivrait l’automne approchant.

Cette Claude-là pensait avec une soudaine répulsion au pauvre quartier de Charonne où elle devait vivre, de par le choix de Mme Ronal qui voulait demeurer parmi les humbles, auxquels, toute, elle s’était consacrée. Cette Claude-là était avide d’une atmosphère d’élégance, de beauté autour d’elle Pour elle-même, elle eût voulu faire de la musique, pour sa propre jouissance, pour l’Art seul. Non pour gagner sa vie, dépendant du public qu’elle méprisait, surtout quand c’était un public de gens du monde. Et pourtant, ces gens du monde, elle en avait besoin pour « arriver ». Or, si impérieusement, elle voulait arriver ! Alors… alors…

Le flot tumultueux de sa pensée bondissait en elle une fois encore, tandis que, sans un mouve ment, elle considérait, distraite, son image, dans la glace étroite.

Puis, soudain, elle haussa les épaules, le visage volontaire. À quoi bon gaspiller en réflexions vaines quelques-unes des précieuses minutes de liberté qui lui restaient encore. Mieux valait s’en