Page:Ardel - Le Chemin qui descend.pdf/333

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Qu’importait maintenant qu’il fît clair ou non ?… Claude avait fini de lire. Et tout son être écrasé frémissait de l’angoisse, du dégoût, du désespoir qui criaient dans les pauvres pages palpitantes qu’elle venait de lire. Les pages qui restaient, qui resteraient vivantes, alors que la créature qui les avait écrites, dans l’allégresse, puis la révolte, la souffrance, n’était plus qu’une poignée de poussière.

Et cette créature n’était pas une imaginaire héroïne de roman. Ce n’était pas une étrangère, une inconnue ; c’était l’être qui l’avait créée de sa chair, qui lui avait légué, non pas seulement son visage, mais aussi son âme tourmentée, altérée de jouissance et de passion.

Dans ce journal de sa mère, il y avait des phrases qu’elle-même avait prononcées, des pensées, des désirs, des faiblesses, des volontés, des espoirs, qu’elle-même avait connus. Et c’était effrayant, cet héritage !

Elisabeth avait dit vrai. Raymond de Ryeux était bien de la même race que ce prince Michel, son père. C’était le même charme, doublé du même égoïsme féroce. La même insouciance pour le sort de la créature, voulue par leur désir. La même volonté paisible, cruelle, inflexible de conquérir la femme qui a séduit.

Son regard devenu d’une impitoyable clarté, elle le jugeait, et se jugeait elle-même. La réalité — affreuse ! — l’avait étreinte et réveillée. Seulement, elle avait la sensation que son cœur avait été cautérisé par un fer rouge, si cruellement qu’il était mort…

Ah ! elle pouvait le revoir maintenant, M. de