Page:Ardel - Le Chemin qui descend.pdf/334

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ryeux !… Elle était bien perdue pour lui. Entre eux, il y avait l’abîme creusé par les terribles pages. Peut-être plus encore, par les lignes si douloureuses et si tendres, que sa mère avait encore trouvé la force de tracer pour lui dire la misère des amours qui ne peuvent s’avouer.

« … Ma Claude, mon enfant… que je ne pourrai protéger. — je ne le méritais pas, moi qui n’ai pas su me garder. — je t’en supplie, donne ton cœur seulement à l’homme que tu as le droit d’aimer. Crois-moi, ma Claude chérie, moi qui, pour te sauver, accepte l’atroce humiliation de t’avouer ma faiblesse. Claude, crois-moi… le fier sacrifice d’un amour que la conscience interdit, est encore moins crucifiant que la honte et la souffrance dont on le paye fatalement quand on s’y livre.

« Ah ! ce mépris, ce dégoût de soi, cette horreur de l’homme qui vous a perdue sans pitié !… Si l’on savait ce que c’est, à l’heure où l’on cède, enivrée, comme l’on serait gardée contre sa faiblesse !… Ah ! oui, bien gardée !…

« Claude, mon adorée petite, ne t’abandonne pas… Je t’en supplie, à travers la mort, moi qui ai tant souffert d’avoir mal aimé. »

Au cœur même de Claude, ils semblaient s’être imprimés, ces mots que jamais elle ne pourrait oublier.

Ah oui, elle était bien perdue pour Raymond de Ryeux, aussi sûrement que si elle était morte ! Et vraiment, c’était une morte, la Claude qu’il avait connue…

La créature dont elle distinguait vaguement dans une glace, noyés par la pénombre, le visage décoloré, les traits sévères, les yeux sombres,