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cles entiers, — que le sentiment de la liberté n’a jamais cessé de se manifester parmi les nègres amenés d’Afrique et rendus esclaves à Saint-Domingue. Ils peuvent réclamer avec orgueil que toujours il y a eu parmi eux des hommes qui, par leur énergie, ont protesté contre la tyrannie des Européens.

En effet, dès l’établissement de la colonie espagnole, des nègres y furent introduits : leur esclavage, déjà pratiqué en Portugal et en Espagne, en avait fourni l’idée. En 1503, onze années après la découverte de l’île, « le gouverneur Ovando avait défendu d’importer d’Afrique des esclaves, parce que ceux qu’on avait déjà introduits (pour travailler aux mines du Cibao) s’étaient enfuis chez les Indiens. On prétendait même qu’ils pervertissaient ceux-ci et les portaient à la révolte[1]. »

« Ce gouverneur craignait, dit Charlevoix, d’après les auteurs espagnols, que cette nation, qui paraissait indocile et fière, ne se révoltât si elle se multipliait, et n’entraînât les insulaires dans sa révolte[2]. »

Le cacique Henri, de race indienne, rendu esclave aussi, ayant fui la tyrannie de son maître et s’étant établi avec un certain nombre d’Indiens dans la montagne de Bahoruco, en 1520, les nègres désertaient par bandes pour l’aller joindre. Le 27 décembre 1522, ceux qui étaient esclaves de Don Diego Colomb, se joignirent à d’autres appartenant à un licencié et se dirigèrent sur la route d’Azua, pour atteindre la même montagne et se ranger sous les ordres du cacique. Ces malheureux furent poursuivis et défaits, après une rencontre avec quelques

  1. M. Moreau de Jonnès, cité par M. Lepelletier de Saint-Rémy, tome 1er, page 88.
  2. Charlevoix, tome 1er, page 287.