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dispositions de sa proclamation du 27 août, il apprit indirectement la mesure que Sonthonax venait de prendre par celle du 29. Il en douta. Systématiquement attaché à ses propres idées, il lui écrivit :


Avez-vous, ou n’avez-vous pas proclamé la liberté générale dans le Nord ? Avez-vous été libre de ne pas le faire ? L’assemblée de la commune du Cap n’a-t-elle pas été plutôt un rassemblement militaire, qu’une assemblée de citoyens libres, délibérant paisiblement ? L’assemblée d’une seule paroisse, où il ne reste presque aucune propriété, aura-t-elle suffi pour déterminer un acte de cette importance dans la province du Nord, et dont les contre-coups peuvent être terribles dans toute la colonie ? Avez-vous reçu, et reçu assez tôt ma dépêche du 26 août, et les deux exemplaires de mes deux proclamations du 20 et du 21 août, qui accompagnaient cette dépêche ? J’ignore tout cela, et jusqu’à ce que j’en sois instruit, je ne puis ni discuter, ni décider, mais je crains tout.

Vous le savez, je déteste autant, que vous l’esclavage ; autant que vous je veux que la liberté et l’égalité soient désormais la base de la prospérité de Saint-Domingue. Mais quelle liberté que celle des brigands ! quelle égalité que celle où il ne règne d’autre loi que le droit du plus fort ! quelle prospérité peut-ou espérer sans travail ! et quel travail peut-on attendre des Africains devenus libres, si vous n’avez pas commencé par leur en faire sentir la nécessité, en leur donnant des propriétés, et leur créant des jouissances qui, jusqu’à présent, leur étaient inconnues ?

Je vous envoie un exemplaire de ma proclamation du 27 août… Vous y verrez que je m’acheminais aussi vers la liberté générale, mais par des voies plus douces, plus légales, et que je croyais propres à atteindre notre but, sans causer aucune commotion, et surtout à nous créer une force capable de défier Navarrais mêmes et Castillans. Si vous avez mieux rencontré que moi, hâtez-vous de me communiquer votre plan, pour que nous marchions sur la même ligne.


Cette lettre fut écrite le 3 septembre ; le 11, Sonthonax lui répondit : « J’ai été libre et parfaitement libre dans cet acte. Les circonstances l’exigeaient. Les Espagnols promettaient la liberté aux nègres insurgés, et cette