nous en parlons : l’influence qu’il a pu et dû exercer sur les événemens de cette époque, nous oblige seule à le mentionner. Dans ses désirs licencieux, il apprend que le général Rigaud est fiancé à une jeune personne de couleur d’une rare beauté ; et pour lui occasionner personnellement une vive peine, un de ces sentimens que les hommes éprouvent à un haut degré, — la jalousie qui ne pardonne pas ; pour l’exciter, par ce sentiment blessé, à des actes de fureur afin de le perdre politiquement, Leborgne, l’infâme et crapuleux Leborgne, conçoit le dessein de posséder la fiancée de Rigaud. Mettant tout en œuvre pour la séduire, et surtout pour gagner sa mère, vieille mulâtresse habituée, d’après les mœurs corrompues de la société coloniale, à ne pas voir dans ces sortes de cas la honte d’une fille, Leborgne parvient à ses fins honteuses, dans un moment où Rigaud s’était absenté de la ville des Cayes. Ce général revient et va chez le subdélégué du gouvernement français, de ce Directoire exécutif dont les historiens français ont raconté tant de choses ; et Leborgne a encore l’audace de l’immoralité la plus dégoûtante ; il prie Rigaud d’entrer dans sa chambre ; et là, il lui fait voir la jeune personne dont il s’agit. Rigaud est assez maître de sa passion pour se contenir et ne lui parler que des affaires publiques. Mais, son frère Augustin, plus emporté et toujours violent, en prit note ; et nous verrons bientôt ce qu’il fit.
Nous remarquons, dans le mémoire publié par Rigaud, en 1797, ce passage concernant Leborgne, qui indique le mépris que son action occasionna dans le cœur de ce général : « Leborgne était un malhonnête homme ; le général Rochambeau n’hésita pas de lui donner cette qualification, dans une réponse qu’il fit aux délégués du Direc-