Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 3.djvu/279

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dantes pour comprendre que leurs vrais ennemis étaient effectivement les blancs qui les avaient arrachés, eux ou leurs ancêtres, de leur pays natal, pour les soumettre au plus dur esclavage à Saint-Domingue et dans les autres colonies ? Ne leur suffisait-il pas de leur simple bon sens pour saisir cette vérité, pour comprendre en même temps que les mulâtres, leurs enfans, leurs neveux, maltraités comme eux, ne pouvaient pas être leurs ennemis ? Les noirs du Sud surtout n’avaient-ils pas vu à l’œuvre Rigaud et les autres hommes de couleur, depuis le commencement de la révolution ; ignoraient-ils que c’était ce mulâtre qui avait affranchi 700 noirs, en septembre 1792, avant l’arrivée de Sonthonax dans la colonie ? N’étaient-ils pas présens, quand, sous les yeux de Polvérel, les troupes blanches commandées par Harty, massacraient vieillards, femmes et enfans parmi eux, avant la liberté générale ?…


On vient de lire l’accusation portée contre Pinchinat et Augustin Rigaud : lisons maintenant celle que la même agence fit porter contre T. Louverture, dans le rapport de ses délégués. Cet acte avait commencé par l’historique des faits antérieurs aux affaires de fructidor, aux Cayes : en parlant de celle du 30 ventôse au Cap, ils disaient :

« Des généraux noirs se montrèrent fidèles et reconnaissans en cette occasion. Ils délivrèrent Laveaux par la force. Ce qui forma deux partis prononcés, — les noirs et les jaunes. Le général Toussaint augmentait le mal ; il excitait aux mesures les plus rigoureuses contre les hommes de couleur. Il mit les armes aux mains et la haine dans le cœur des deux partis. »

Ainsi, tandis qu’au Cap, Laveaux, Perroud et l’agence excitaient les noirs contre les jaunes, Leborgne, qui avait