Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/483

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour son salut et celui de toute la population noire, il a rendu un service éminent à son pays.

Mais cette population, fatiguée du régime barbare dont elle avait été la victime, pleine d’espérances dans les forces venues de la métropole, confiante dans les déclarations favorables à sa liberté, ne soutint pas et ne pouvait soutenir le dictateur qui l’avait opprimée : de là l’impossibilité pour celui-ci de continuer sa lutte héroïque.

Convaincu de la nécessité où il se trouvait de se soumettre, et pour mieux l’y déterminer ainsi que ses lieutenans, Leclerc donna le signal des proscriptions qu’il avait mission d’exécuter contre les chefs de la race noire. Rigaud, l’un des plus fameux parmi eux, ramené avec d’autres dans l’expédition, uniquement pour être un drapeau utile aux défections, Rigaud fut le premier à subir l’ostracisme médité contre tous. Ancien chef de la portion la plus éclairée de sa race, sa déportation injuste fut néanmoins un trait de lumière pour toute la classe qu’il avait dirigée en d’autre temps ; elle servit éminemment à la détacher de la cause de la métropole, devenue ingrate après avoir été déloyale.

Ainsi que Leclerc l’avait prévu, Toussaint Louverture se soumit à son autorité, et toute résistance cessa alors. Mais un mois était à peine écoulé, que l’ex-gouverneur lui-même subissait l’ostracisme imposé à son ancien rival. Cette nouvelle mesure que commandaient les circonstances, plus à son égard qu’à l’égard de Rigaud, éclaira aussi le parti politique que Toussaint Louverture avait dirigé.

Dès-lors la fusion de leurs anciens partisans était inévitable, pour s’armer maintenant contre la métropole qui n’avait tenu aucun compte de leurs services respec-