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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 5.djvu/484

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tifs. La dignité que ces deux chefs montrèrent en subissant ces persécutions, en rehaussant leur caractère, contribua encore à exalter les hommes qu’ils avaient guidés : il n’y avait plus pour eux qu’à saisir une occasion propice pour se prononcer.

Déjà, d’obscurs individus dans la race africaine protestaient contre l’invasion de l’armée expéditionnaire, en se tenant isolés dans des retraites éloignées. C’était dans ce temps même que la métropole, égarée de plus en plus par la faction coloniale, cédait à ses vœux pour abroger les décrets rendus sur la liberté générale et l’égalité des droits ; elle rendit une loi qui rétablissait la traite des noirs et leur esclavage, conséquemment tous les préjugés de race créés par le régime colonial.

Mais, à Saint-Domingue, un fléau destructeur coïncidait avec cette loi détestable ; la fièvre jaune apparaissait et enlevait des milliers de soldats de l’armée expéditionnaire, de vaillans généraux. Les probabilités d’un insuccès définitif n’étaient plus discutables.

Cependant, c’était dans ce moment même que les colons présens dans la colonie manifestaient leurs projets liberticides contre les hommes de la race noire. Réunis en conseil autour du capitaine-général, l’étourdissant de leurs plans insensés, ils l’entraînèrent à des fautes aussi funestes à leurs propres intérêts, que celles qu’ils provoquaient dans la métropole. Aussi Leclerc entra-t-il en aveugle dans les mesures qui avaient porté ces hommes à détester en Toussaint Louverture un tyran odieux.

Cette population, montrant ses répugnances, fut dèslors l’objet de persécutions incessantes. Son désarmement fut ordonné, en même temps que des potences étaient dressées dans tous les lieux, que des noyades et des fu-