Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 7.djvu/190

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quels étaient les producteurs des denrées d’exportation qui attiraient dans nos ports les navires étrangers, des vivres qui nourrissaient la population ? Les mêmes hommes qui avaient tant souffert antérieurement. Les campagnes étaient abandonnées à elles-mêmes ; les propriétaires, les fermiers des biens domaniaux, demeuraient dans les villes ou bourgs, retenus par habitude ou par les fonctions publiques qu’ils exerçaient ; et ils eussent voulu que les officiers, inspecteurs de culture, fissent travailler pour eux afin d’avoir de grands revenus ! Les produits devaient nécessairement diminuer sous un tel état de choses, et par conséquent, les revenus publics aussi : la guerre civile subsistante ne pouvait qu’y contribuer.

Quant à l’armée, était-il encore raisonnable de faire à Pétion des reproches à son sujet, de dire qu’elle n’existait pas ? Elle n’était ni soldée, ni habillée régulièrement, à peine rationnée : de là la nécessité pour le soldat d’aller souvent dans la campagne auprès de sa famille, pour se procurer ses besoins. Si le président tolérait cela, c’est que la justice envers ces défenseurs de l’Etat, lui commandait de ne pas en exiger plus qu’il ne fallait ; mais, quand ils étaient en présence de l’ennemi, ne se battaient-ils pas bravement ? Ne restaient-ils pas fidèles à la République, quand les sommités militaires trahissaient leurs devoirs ? On eût voulu une armée plus forte ; mais alors, il aurait fallu, pour ainsi dire, dépeupler les campagnes où elle se recrutait le plus, faire ce que faisait Christophe chez lui. Ce reproche se rapportait aux plaintes de Lamarre, qui ne trouvait pas qu’on lui envoyât assez de troupes ; il eût été à désirer, sans doute, qu’on pût le faire ; mais, par cela même, il faudrait plus dépenser pour l’armée expéditionnaire. Enfin, l’insubordination