Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 7.djvu/235

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Mais en admettant l’assertion d’un témoin oculaire[1], ce fut bien autre chose qui se passa dans cette séance.

Selon ce qu’il rapporte (et l’on doit ajouter foi à la véracité d’un citoyen aussi distingué par ses qualités personnelles), le sénateur Mode, dont nous avons déjà signalé l’exaltation d’esprit, prit occasion de la rentrée de Gérin au sénat, pour faire un discours acerbe contre Pétion, en concluant à ce qu’il fût traîné à la barre du sénat pour rendre compte de son administration. Alors, Gérin accusa le président de vouloir éterniser la guerre civile, prétendant, comme il le disait toujours, qu’il ne dépendait que de lui de vaincre Christophe. Il n’oublia pas de rappeler que ce fut lui, Gérin, qui s’était mis le premier à la tête du mouvement insurrectionnel qui renversa Dessalines. Il ajouta : « Celui qui a dressé l’échelle n’y a pas monté[2]. » C’était déclarer au sénat, en termes non équivoques, qu’en accusant Pétion, il fallait le déclarer déchu de la présidence et le placer lui-même à cette auguste magistrature.

De telles paroles, des prétentions aussi singulières, ne pouvaient obtenir l’assentiment de tous les membres du sénat. Le témoin ajoute que le sénateur Larose, toujours distingué par ses sentimens, toujours honorable par ses vertus civiques, fut le premier à s’élever avec fermeté contre tout ce qui venait d’être articulé au sujet de Pétion, et qu’à lui se réunirent ses collègues Manigat, Charles Daguilh, Barlatier, Fresnel, Neptune et plusieurs autres,

    un véritable chaos, et je découvris cette feuille volante où se trouvent les simples notes écrites de la main de Toulmé : il se garda d’y mentionner tout ce qui se passa dans cette séance.

  1. M. le sénateur S. Lamour, cité dans une note précédente.
  2. Ces paroles de Gérin prouvent que l’écrit satirique de J. Chanlatte sur le sénat, avait ulcéré son cœur, jaloux de la présidence de Pétion.