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immédiatement une grande influence sur ce bataillon mutiné.[1]

Il en était là avec eux, quand le général en chef arriva avec les généraux Wagnac et Lys, des officiers d’état-major, et son escorte de guides appelés les Carabiniers. En voyant les soldats de la 17e, Rigaud, en colère, les invectiva, en les traitant de révoltés, etc. : ils lui répondirent en l’injuriant aussi, lui reprochant d’être la cause de leurs souffrances. Un lieutenant nommé Pierre Marie ordonna aux soldats de faire feu sur Rigaud ! Les fusils s’abattaient déjà, quand Borgella, devant eux, les releva avec sa canne, en criant sur les plus mutins, d’un ton d’autorité, s’il était possible qu’ils méconnussent les services rendus par Rigaud à la cause de la liberté, les rappelant d’ailleurs au respect qu’ils lui devaient comme chef. Sa voix fut heureusement écoutée de ces hommes, tandis que Rigaud fut entraîné par les autres généraux qui le persuadèrent de retourner aux Cayes.

Sur les lieux, Rigaud avait ordonné à Borgella de partir de suite pour Aquin, afin d’emmener la 15e, et les mutins avaient répondu qu’ils n’y consentiraient pas. Borgella continua à les apaiser ; et, feignant de rentrer aux Cayes, il prit la route par l’habitation O’shiel et se rendit à Aquin. Aussitôt après son arrivée, il fit partir la 15e avec lui et atteignit Cavaillon, le lendemain à 11 heures du matin.

Mais le bataillon de la 17e était entré aux Cayes, dès qu’il l’eût quitté aux Quatre-Chemins ; ce corps s’était emparé de l’arsenal, ce qui annonçait de sa part des des-

  1. À Jérémie, Borgella s’était créé des ressources en exploitant la sucrerie Breteuil : généreux envers les militaires de tous les corps, il leur faisait donner de l’argent et des soins, même à l’hôpital ; sa femme le secondait dans ces actes de patriotisme.