Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/130

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À cet instant, deux jeunes garçons âgés de 7 ans, furent présentés à Pétion ; l’un était noir, l’autre mulâtre ; ils symbolisaient les citoyens d’Haïti, unis dans un même sentiment, un même intérêt. Vêtus en agriculteurs, armés de petits fusils, ils portaient chacun la macoute indigène (espèce de havre-sac) remplie de vivres du pays et de cartouches, pour figurer les moyens de résistance en cas d’invasion de la part de la France. Une écharpe aux couleurs nationales, bleue et rouge, entourait chacun de ces enfans avec une devise emblématique ; et ils remirent à Pétion un compliment écrit, où étaient exprimés des sentimens de leur âge pour la conservation de ses jours, précieux au bonheur des Haïtiens. Il les prit affectueusement dans ses bras, pour exprimer lui-même l’ardent amour qu’il portait à tous ses frères[1].

Le cortège se rendit alors à l’église paroissiale avec toutes les troupes. Un Te Deum y fut chanté solennellement ; puis on accompagna le sénat à son palais, d’où le président se retira dans le sien et les assistans chacun chez soi. Le soir, la ville fut illuminée.

Durant dix années consécutives, le même serment, la même cérémonie, furent renouvelés dans la République.


Dans le Nord, Christophe renouvelait aussi ce serment consacré, en agissant en Roi et tenant un langage conforme à son caractère violent, et à son titre usurpateur de tous les droits de la souveraineté nationale. Par une proclamation du 1er janvier, datée de son palais de Sans-Souci, il déclara qu’il comptait beaucoup, pour le

  1. C’est Chéri Archer qui conçut l’idée de présenter ainsi ces deux enfans a Pétion, dont il était un admirateur enthousiaste : l’un était son fils aîné, l’autre, un de ses jeunes parens.