Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/189

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« Monsieur le Président, je suis accablé du poids de vos bienfaits… Nos affaires sont presque arrangées… Je n’attends que vos dernières faveurs… Par M. Inginac, votre digne secrétaire, j’ose vous faire de nouvelles prières[1]. Dans ma proclamation aux habitans de Venezuela, et dans les décrets que je dois expédier pour la liberté des esclaves, je ne sais pas s’il me sera permis de témoigner les sentimens de mon cœur envers Votre Excellence, et de laisser à la postérité un monument irrévocable de votre philanthropie. Je ne sais, dis-je, si je devrai vous nommer comme l’auteur de notre liberté… Je prie Votre Excellence de m’exprimer sa volonté à cet égard… »

Le 18, Pétion lui répondit : « Vous connaissez, général, mes sentimens pour ce que vous avez à cœur de défendre et pour vous personnellement. Vous devez donc être pénétré combien je désire voir sortir du joug de l’esclavage ceux qui y gémissent ; mais, des motifs qui se rapportent aux ménagemens que je dois à une nation, qui ne s’est pas encore prononcée contre la République d’une manière offensive, m’obligent à vous prier de ne rien proclamer dans l’étendue de la République, ni de nommer mon nom dans aucun de vos actes ; et je compte, à cet égard, sur les sentimens qui vous caractérisent… »

Dans la situation où se trouvait Haïti, il était convenable, sans nul doute, de ne pas donner aux Bourbons de France une occasion, un sujet d’intéresser les Bour-

  1. Il n’y a pas, en effet, une seule affaire importante de la République d’Haïti, dans laquelle B. Inginac n’ait pris part. Sa haute capacité, sa dextérité, sa finesse, son patriotisme, lui donnaient droit à ce concours. Il fut un homme vraiment remarquable, et plus d’un personnage européen, parmi ceux qui vinrent à Haïti, se plut à le dire.