Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/190

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bons d’Espagne à faire cause commune contre elle. La partie de l’Est, rétrocédée par la France à l’Espagne, était en paix avec la République d’Haïti et avec le territoire soumis à Christophe ; elle y entretenait un commerce de bestiaux qui était fort utile à l’approvisionnement des Haïtiens : ce trafic eût pu cesser par un ordre venu d’Europe, si l’on n’évitait pas de paraître ostensiblement encourager l’expédition de Bolivar. En le continuant, au contraire, Pétion jetait incessamment dans l’Est des jalons pour sa réunion future à la République ; car il maintenait de bonnes relations avec son gouvernement local, et encore plus avec les habitans des communes voisines et leurs commandans, qui s’étaient tous inspirés des idées et des sentimens de Cyriaco Ramirez, de même que Christophe agissait envers ceux qui suivaient la pensée de Juan Sanches. Voilà probablement les principaux motifs du modeste refus qu’il fit à Bolivar, et de la circonspection qu’il recommandait au général Marion, indépendamment de ce qu’il ne fallait pas porter la population des Cayes, à mal apprécier les secours qu’il donnait aux indépendans de Venezuela, dans un temps où l’État achetait des objets de guerre pour l’éventualité d’une invasion de la part de la France.

Au surplus, qu’importait à un homme du caractère de Pétion, la gratitude que Bolivar eût exprimée dans ses actes, pour l’assistance qu’il en reçut ? Il était au-dessus de ces puériles vanités qui font faire tant de sottises à la plupart des chefs d’État. Gouverner son pays avec intelligence, jeter les fondemens de sa prospérité future, en observant les vrais principes de l’ordre social, faire concourir ses concitoyens à l’émancipation politique de leurs semblables dans une vaste contrée de l’Amérique : c’é-