Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/311

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rendue sur le budget et celle qui l’accompagna, eussent été aussi affirmatives pour leur exécution ; il était triste, et il aurait prononcé ces désolantes paroles : « Ce qui me peine, ce qui m’indigne, c’est que ceux qui devraient le plus me soutenir et se pénétrer des embarras que j’éprouve, sont les premiers à critiquer mon administration, mon gouvernement : — des hommes qui me doivent tout et que je ferais rentrer, si je le voulais, dans le néant d’où je les ai tirés. »

Avant de rechercher le sens de ces paroles, disons ce qui suivit cette communication confidentielle.

Les trois commerçans quittèrent le président, en lui promettant de tout faire pour répondre à ses désirs et à sa confiance. Ils se rendirent chez Lespinasse pour aviser aux moyens d’y parvenir, par la convocation des autres commerçans nationaux. Mais là survint Daumec, intime ami de Lespinasse : ils lui communiquèrent ce qui les affligeait eux-mêmes, par la tristesse qu’avait montrée Pétion. Partageant leurs sentimens, Daumec leur dit qu’il connaissait un négociant étranger qui professait pour le président une estime et une admiration dont il serait sans doute heureux de trouver l’occasion de lui donner la preuve, et qu’il savait que cet étranger avait des fonds disponibles.

C’était un jeune Anglais, homme de couleur de la Barbade, — John Smith, établi au Port-au-Prince depuis quelque temps. Daumec se rendit immédiatement chez lui, et lui proposa de prêter au gouvernement ce qu’il pourrait, en lui parlant des embarras du président. Smith accueillit cette proposition avec toute la générosité de son caractère, et consentit à verser aussitôt au trésor 50 mille gourdes, toute sa caisse, en témoignant la