Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/328

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pays qu’avec les intentions les plus pures, un esprit toujours conciliant, en s’efforçant d’humaniser les cœurs, d’inspirer à ses concitoyens les sentimens de la justice, il prit la résolution de ne pas descendre dans la tombe, sans avoir fait encore une belle et bonne action, afin d’honorer la République qu’il avait fondée et son propre caractère.

Le colonel Zacharie Tonnerre, du 14e régiment, possédait dans la plaine une sucrerie où il faisait travailler des soldats de son corps, concurremment avec les cultivateurs. Un de ces militaires ayant mal rempli son devoir, fut réprimandé par son colonel et lui répondit avec humeur ; impatienté, ce colonel le frappa ; le soldat le repoussa violemment et le renversa par terre. Ce fait avait eu lieu en présence d’autres de ses camarades et des cultivateurs. Il était fâcheux, sans doute, que le colonel eût frappé son subalterne, lorsqu’il pouvait le punir ; mais le soldat avait aggravé son tort primitif en manquant à la fois au respect dû au propriétaire et à l’autorité militaire. Traduit par-devant la commission permanente, il fut condamné à la peine de mort, en vertu de cette disposition du code pénal qui ne permet pas à un inférieur de lever la main sur son supérieur.

Cependant, Pétion voulant le gracier, manda le colonel Zacharie pour le faire en quelque sorte concourir à cet acte de bonté, en le persuadant d’être généreux ; il se persuadait lui-même que ce serait un moyen de maintenir l’autorité de ce chef sur le corps placé sous ses ordres, parce que de tels actes gagnent mieux les cœurs que la sévérité la plus juste. Alors que Pétion venait de se montrer bon envers le capitaine Colomb, et que sa maladie donnait déjà des inquiétudes, il ne pouvait qu’in-