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liberté générale faite par les commissaires de la France, pour devenir le plus fameux artisan de la conquête opérée d’une partie du territoire du Nord et de l’Ouest, au nom de l’Espagne et sur les instances des colons, en même temps que ceux-ci livraient à la Grande-Bretagne d’autres portions du territoire du Sud et de l’Ouest.

Dans les mêmes circonstances, on vit Pétion suivre le drapeau tricolore de la France révolutionnaire, accepter franchement, résolument la déclaration de la liberté générale, cette ère nouvelle ouverte au profit des esclaves de sa race et qui devait, de son pays, s’étendre un jour sur la plus grande partie de l’archipel des Antilles. Ce fut dans sa ville natale, sur la même place d’armes où, deux années auparavant, il avait foudroyé de son artillerie les violateurs de la paix ou Concordat du 23 octobre 1791, qu’il fit servir ses canons à la solennisation de cet acte d’éclatante justice envers ses frères[1]. Les salves qu’il y exécuta et que répétèrent les échos de nos montagnes, furent comme un avertissement donné au système colonial, s’écroulant devant la puissance des droits de la nature, et aux Anglais, ses protecteurs, qu’il serait l’un des plus fermes soutiens du régime nouveau.

Si Toussaint abandonna ensuite le camp des Espagnols, c’est qu’il y fut contraint par la crainte de perdre la vie dans ses querelles avec ses concurrens. Et pour passer dans celui des Français, pour changer de drapeau et donner des gages de sa fidélité future, il se vengea de ses adversaires, il immola des victimes, il teignit ses lauriers

  1. Le 21 novembre 1791, Pétion était d’abord sur la place du Champ de Mars avec ses canons, quand il tira sur Praloto et consorts : le 21 septembre 1793, il y salua la déclaration de la liberté générale faite par Polvérel, au nom de la France. Prédestiné à consacrer ce droit en Haïti par de solides institutions, il était convenable que son tombeau fût érigé sur la même place d’armes, pour y être couvert par les rameaux de l’arbre de la Liberté.