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voyant pour apercevoir le mécontentement qui existait déjà dans son royaume ; car, quels que soient les succès de la tyrannie, il arrive toujours un moment où le tyran se voit menacé de la haine du peuple qu’il opprime.

Sir Home Popham retourna à la Jamaïque. Sa mort et celle de Christophe, dans la même année, tirent avorter le projet conçu entre eux[1].


Quelques semaines après la visite de cet amiral à Haïti, le gouvernement acquit, la conviction de la prévarication du citoyen Cator, trésorier aux Cayes, dont la conduite inspirait des suspicions ; après vérification de sa comptabilité et de sa caisse, il y fut constaté un déficit s’élevant à l’énorme somme de 142,124 gourdes et 15 centimes. Le président destitua d’abord le délinquant et le dénonça ensuite au Sénat, en vertu de l’art. 124 de la constitution ; un décret d’accusation lancé contre lui le renvoya pardevant le tribunal compétent à le juger. Cator fut jugé et condamné à la restitution de cette somme[2].

L’attention publique fut bientôt détournée de cette scandaleuse affaire, par l’incendie qu’éprouva le Port-au-Prince dans la journée du 15 août, et qui occasionna des pertes bien supérieures à celle-là. Vers midi, le feu prit par accident à l’oratoire d’une dame qui célébrait aussi la

  1. On peut ajouter foi à ce projet entre Christophe et Sir Home Popham, puisque en 1839, en faisant un traité avec la République d’Haïti pour avoir son concours dans la répression de la traite, la Grande-Bretagne lui fit proposer de recevoir les Africains qui seraient capturés par ses propres navires de guerre.
  2. Nous ne pouvons dire si Cator fut condamné à subir une détention ; mais nous savons qu’il offrit ses biens pour en percevoir les revenus, afin de rembourser l’État : ce qui fut accepté par ordre du président. Ce qu’on en retira fut insignifiant, à côté de la grosse somme soustraite au trésor public. Cator n’avait pas assez de capacité pour la charge qu’il exerçait ; il était d’un caractère faible, et il fut la dupe de certains employés sous ses ordres : de la l’indulgence de Boyer envers lui, ce qui fut néanmoins d’une fâcheuse influence sur la gestion des finances.