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sur l’institution de la cour supérieure, les formes judiciaires, le papier timbré à employer dans les actes de procédure, etc., tout était réglementé avec soin.

L’esprit de l’avocat l’emportait en Nunez de Cacérès sur celui de l’homme politique ; et l’on reconnaît aussi que dans l’établissement des fêtes nationales et la création de la médaille de distinction, le citoyen de la partie de l’Est d’Haïti était aussi fier que ceux de la partie occidentale des succès obtenus contre les Français. Comme eux encore, il restituait à son pays le nom d’Haïti que lui donnèrent les infortunés aborigènes.

Mais, en maintenant l’esclavage dans le nouvel État, c’était oublier l’exemple que les Haïtiens avaient tracé dans leur acte d’indépendance et leurs constitutions successives, s’exposer à une lutte ultérieure avec eux, méconnaître les droits naturels des Africains et de leurs descendans, et se priver en même temps des seuls élémens de la formation d’une armée pour soutenir l’indépendance proclamée le 1er décembre[1].

Cette inconséquence était d’autant plus frappante que, reconnaissant l’extrême besoin que la partie de l’Est avait d’augmenter sa population, en y appelant les étrangers pour en devenir citoyens, la junte déclarait qu’ils ne pourraient jamais occuper aucun emploi civil ou politique, mais seulement ceux de l’ordre militaire. Elle voulait donc n’en faire que des troupes mercenaires, en quelque sorte, qui auraient pu, avec le temps, devenir dangereuses pour la sécurité de

  1. Il faut dire, à la louange de Nunez de Cacérès, qu’il imita la conduite de Bolivar, en donnant ce jour-là la liberté à une douzaine d’esclaves qu’il possédait à Santo-Domingo. Il fit armer les hommes parmi eux pour servir comme soldats, et ne voulut plus de leur service personnel, à titre même de domestiques, afin de leur prouver qu’il leur avait donné la liberté avec sincérité. Ces faits font présumer qu’il aurait déclaré la liberté générale des esclaves, si, comme Bolivar, il n’avait pas trouvé de l’opposition parmi les maîtres.