Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/251

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plaisance, et je ne sortis de l’abbaye que le plus tard qu’il me fut possible. L’appartement où elle couchait donnait sur la rue ; j’avertis ma sœur que je viendrais pendant la nuit lui faire donner une sérénade. Je vous promets, me dit-elle, si vous venez, de l’engager à se mettre à la fenêtre. Elles me tinrent parole toutes deux. Dès que les musiciens eurent commencé, je vis paraître de la clarté, à la lueur de laquelle j’aperçus deux personnes qui me firent signe de ne pas parler : je n’avais garde de le faire. Un instant après il y eut plus de vingt religieuses aux fenêtres. Je me tins toujours enveloppé dans mon manteau et on ignora dans l’abbaye que je fusse l’auteur de cette symphonie.

Le lendemain je retournai au parloir : sa mère venait de sortir dans l’instant, et ma sœur n’étant point encore descendue, je pris ce moment pour lui dire ce que je pensais ; elle m’écouta sans colère. Je la priai de me permettre de la demander lorsque je viendrais voir ma sœur. Elle me répondit qu’elle n’était pas absolument la maîtresse de venir à la grille lorsqu’elle voulait ; mais qu’elle y était ordinairement à cette heure. C’était m’en dire assez : aussi continuai-je, pendant près