Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/353

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LETTRE II.



Il y a plus de différence entre les caractères des comédiennes italiennes et celui des françaises, qu’il n’y en a entre notre opéra et le leur. L’éducation, le préjugé, la coutume, les récompenses sont les quatre choses qui produisent l’éloignement qu’il y a des mœurs et de la façon de vivre des unes aux autres.

Il semble que nous ayons été jaloux du progrès qu’avait fait notre théâtre et de l’applaudissement qu’il a eu chez toutes les nations. Nous avons affecté de répandre l’ignominie et l’infamie sur ceux qui, par leur talent, illustrent notre patrie[1]. Contens de louer et d’estimer le poète, nous avons poussé le mépris

  1. Ce préjugé contre les personnes de théâtre n’a plus la force qu’il avait du temps du marquis d’Argens, quoique depuis quelques années on dirait qu’il veut en reprendre. Au reste, ce n’est pas la profession qui a jeté sur les acteurs, et sur-tout sur les actrices et comédiennes, une certaine défaveur et quelque nuance de mépris ; c’est aux détestables mœurs qu’elles affichent