Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/41

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J’apprends de mon maître Épicure,
Que du temps la cruelle injure
Dissout les êtres composés ;
Que ce souffle, cette étincelle,
Ce feu vivifiant des corps organisés
N’est point de nature immortelle ;
Il naît avec le corps, s’accroît dans les enfans,
Souffre de la douleur cruelle ;
Il s’égare, il s’éclipse ou baisse avec les ans ;
Sans doute, il périra quand la nuit éternelle
Viendra nous arracher du nombre des vivans.
Vaincu, persécuté, fugitif dans ce monde,
Trahi par des amis pervers,
Je souffre, en ma douleur profonde,
Plus de maux dans cet univers,
Que dans la fiction de la fable féconde,
N’en a jamais souffert Prométhée aux enfers.
Ainsi, pour terminer mes peines,
Comme ces malheureux, au fond de leurs cachots,
Las d’un destin cruel, et trompant leurs bourreaux,
D’un noble effort brisent leurs chaînes ;
Sans m’embarrasser des moyens,
Je romps mes funestes liens,
Dont la subtile et fine trame,
À ce corps rongé de chagrins,
Trop long-temps attacha mon ame.
Tu vois, dans ce cruel tableau,
De mon trépas la juste cause :
Au moins ne pense pas, du néant du caveau,
Que j’aspire à l’apothéose.
Mais lorsque le printemps paraissant de nouveau,