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Premier Mai fut resté moins platonique si, au lieu de devenir un simple prétexte à fêtes familiales, à promenades auprès des pouvoirs publics, il avait pris dès le début, et conservé le caractère d’une protestation révolutionnaire. (Applaudissements.)

Ceci, dites-vous, est du domaine des hypothèses. Soit, mais qui donc oserait nier que le commencement de la grève générale, qui eut lieu en Belgique, en 1893, n’ait eu une influence décisive sur l’inscription du suffrage universel, — au moins en principe, — dans la législation de ce pays ?

Je vous demande, à ce propos, la permission d’évoquer brièvement un souvenir personnel.

Au deuxième Congrès de Marseille, celui du Parti ouvrier français, qui suivit immédiatement le Congrès des organisations syndicales, assistait le citoyen Anseele, de Belgique. Quand j’eus développé les arguments favorables à la grève générale, il me répondit que, personnellement, il ne croyait pas à l’efficacité de cette tactique. Au nombre des raisons données par lui, figurait celle-ci :

« Même dans mon pays, disait-il, où la population ouvrière est pourtant très dense, la grève générale me paraît d’une réalisation impossible. »

Quelques mois après, c’étaient précisément les travailleurs belges qui, les premiers, faisaient l’expérience de ce mode d’action révolutionnaire. Le résultat de leur effort, personne ne l’ignore. Le parlement belge, affolé, céda. Si ses concessions furent limitées au vote plural, c’est peut-être qu’entre la terreur des partis bourgeois, l’hésitation, l’inquiétude et le peu de confiance des chefs socialistes dans l’efficacité de la nouvelle tactique, une sorte de transaction s’était faite. (Applaudissements.)

Mais, dans notre pays même, au point de vue économique au moins, la conception de la grève générale a déjà exercé