Page:Aristote - La Morale d’Aristote, Ladrange, 1856.djvu/1202

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indépendant, que fera-t-il ? Il ne dormira pas apparemment. Il contemplera les choses, répond-on ; car la contemplation est au monde ce qu'il y a de plus relevé et de plus convenable à la nature divine. Mais, je le demande, que pourra-t-il contempler ? S'il contemple quelqu'autre chose que lui-même, cette chose sera donc meilleure que lui. Or, c'est une impiété absurde de croire qu'il y ait dans l'univers quelque chose de supérieur à Dieu. Donc, Dieu se contemplera lui-même, Mais ceci n'est pas moins absurde ; car nous reprochons à l'homme .qui reste ainsi à se contempler lui-même, l'impassibilité dans laquelle il se plonge. Par conséquent, dit-on, le Dieu qui se contemple lui-même est un Dieu absurde.

§ 5. Mais laissons de côté la question de savoir ce que Dieu contemplera. Nous nous occupons ici non pas de l'indépendance de Dieu, mais de l'indépendance de l'homme ; et nous demandons encore une fois si l'homme qui, dans son indépendance, se suffit à lui-même, aura besoin d'amitié. Si l'on étudie son ami, et qu'on se demande ce qu'il est, ce qu'est vraiment l'ami, Ion se dira : « Mon ami est un autre moi-même ; » et pour exprimer qu'on l'aime avec ardeur on répétera avec le proverbe : « C'est un autre Hercule ; c'est un autre moi. »

§ 6. Or, il n'est rien de plus difficile, ainsi que l'ont dit quelques sages, ni en même temps de plus doux, que de se connaître soi-