Page:Aristote - La Morale d’Aristote, Ladrange, 1856.djvu/1211

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hommes possèdent non pas par nature ni même par étude, mais qu’ils acquièrent par la simple habitude, mauvaises quand ils ont contracté de mauvaises habitudes, et bonnes quand ils en ont contracté de bonnes. § 5[1]. Enfin nous rechercherons si, toutes ces explications du bonheur étant fausses, le bonheur n’est l’effet que de l’une de ces deux causes : ou il vient de la faveur des Dieux qui nous l’accordent, comme ils inspirent les hommes saisis d’une fureur divine et embrasés d’enthousiasme sous le souffle de quelque génie ; ou bien, il vient du hasard ; car il y a beaucoup de gens qui confondent le bonheur et la fortune.

§ 6[2]. On doit voir sans peine que le bonheur ne se trouve dans la vie humaine que grâce à tous ces éléments réunis, ou à quelques-uns d’entre eux, ou tout au moins à un seul. La génération de toutes les choses vient, ou peu s’en faut, de ces divers principes ; et c’est ainsi qu’on peut assimiler tous les actes qui dérivent de la réflexion aux actes même qui relèvent de la science. § 7[3]. Le bonheur, ou en d’autres termes une heureuse et belle existence, consiste surtout dans trois choses, qui semblent être les plus désirables de toutes ; car le plus grand de tous les

  1. Toutes les explications du bonheur. Ce sont les explications qui viennent d’être rappelées, et qui sans doute avaient été données par les autres philosophes. — Le bonheur et la fortune. Ici « fortune » doit s’entendre surtout dans le sens de hasard.
  2. Et c’est ainsi… Pensée obscure ; mais le texte ne peut pas avoir un autre sens que celui que je donne. — Qui dérivent de la réflexion. Ce sont les actes moraux.
  3. Selon les uns. Je ne sais si c’est Platon qu’on veut désigner ici ; dans les théories de Platon, la prudence est toujours placée en première ligne parmi les vertus. Voir la République, livre IV, p. 210 et suiv., trad. de M. Cousin. — Selon les autres. Ceci peut s’appliquer aussi à Platon, puisque la vertu pour lui se divisait en prudence, courage, tempérance et justice. — Selon d’autres enfin. Selon l’École d’Aristippe, et selon Eudoxe, réfuté dans la Morale à Nicomaque, livre I, ch. 10, et livre X, ch. 2. Eudoxe était contemporain d’Aristote.