Page:Aristote - La Morale d’Aristote, Ladrange, 1856.djvu/1219

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passe tout entière dans les plaisirs du corps. Ceci doit faire comprendre pourquoi il y a tant de différences, comme je l’ai déjà dit, dans les idées qu’on se fait du bonheur. § 4[1]. On demandait à Anaxagore de Clazomènes quel était suivant lui l’homme le plus heureux : « Ce n’est aucun de ceux que vous supposez, répondit-il ; et le plus heureux des hommes selon moi vous semblerait probablement un homme bien étrange. » Le sage répondait ainsi, parce qu’il voyait bien que son interlocuteur ne pouvait pas s’imaginer qu’on dût mériter cette appellation d’heureux, sans être tout au moins puissant, riche, ou beau. Quant à lui, il pensait peut-être que l’homme qui accomplit avec pureté et sans peine tous les devoirs de la justice, ou qui peut s’élever à quelque contemplation divine, est aussi heureux que le permet la condition humaine.

  1. Anaxagore de Clazomènes. Voir la même réponse attribuée à Anaxagore, Morale à Nicomaque, livre X, ch. 9, § 3. — Quant à lui, il pensait. Admirable appréciation d’Anaxagore et du bonheur permis à l’homme. Voir la Morale à Nicomaque, livre X, ch. 7, § 8. On se rappelle en quels termes Aristote parle d’Anaxagore dans la Métaphysique, livre 1, ch. 4, p. 985, a, 48, de l’éd. de Berlin. Voir aussi dans le chapitre suivant du présent traité, § 9, une autre réponse non moins belle d’Anaxagore.