Page:Aristote - La Morale d’Aristote, Ladrange, 1856.djvu/1220

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CHAPITRE V.

Des misères de la vie humaine ; il vaudrait mieux ne pas vivre. Belle réponse d’Anaxagore. — Opinions diverses des hommes sur le bonheur ; la vertu et la sagesse sont les éléments indispensables du bonheur. — Erreur de Socrate qui croyait que la vertu est une science ; la vertu consiste essentiellement dans la pratique.


§ 1[1]. Il est une foule de choses où il est très difficile de bien juger. Mais c’est surtout dans une question où il semble qu’il est très aisé, et du domaine de tout le monde, d’avoir une opinion ; et cette question c’est de savoir quel est le bien qu’on doit choisir dans la vie, et dont la possession comblerait tous nos vœux. Il y a mille accidents qui peuvent compromettre la vie de l’homme, les maladies, les douleurs, et les intempéries des saisons ; et par conséquent, si dès le principe on avait le choix, on s’éviterait sans nul doute de passer par toutes ces épreuves. § 2[2]. Ajoutez à cela la vie que l’homme mène tout le temps qu’il est enfant ; et demandez-vous s’il est un être

  1. Très difficile de bien juger. Voir dans la Morale à Nicomaque, livre 1, ch. 1, § 15, des réflexions analogues.
  2. Un être raisonnable qui voulût s’y plier. Sentiment juste, mais qu’on trouve assez rarement dans l’antiquité, qui fait tant de cas de la vie et qui en jouit avec tant d’ardeur.