Page:Aristote - La Morale d’Aristote, Ladrange, 1856.djvu/1239

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bien commun n’est pas le bien en soi, puisque alors le bien en soi se trouverait dans le bien le plus futile. Il n’est pas non plus applicable et pratique ; ainsi, la médecine ne s’occupe pas de donner à l’être qu’elle soigne une disposition qu’ont tous les êtres ; elle s’occupe uniquement de lui donner la santé ; et tous les autres arts agissent comme elle. § 19[1]. Mais ce mot de bien a beaucoup de sens ; et dans le bien, il y a aussi le beau et l’honnête, qui est essentiellement pratique, tandis que le bien en soi ne l’est pas. Le bien pratique est celui qui est la cause finale pour laquelle on agit. Mais on ne voit pas assez évidemment quel bien il peut y avoir dans les choses immobiles, puisque l’Idée du bien n’est pas le bien même qu’on cherche, non plus que le bien commun. Le premier est immobile, et n’est pas pratique ; l’autre est mobile, mais il n’est pas plus pratique pour cela. § 20[2]. Le but en vue duquel on fait tout le reste, est, en tant que fin, le bien suprême ; il est la cause de tous les autres biens classés au-dessous de lui, et il leur est antérieur à tous. Par

  1. Ce mot de bien a beaucoup de sens. Un des premiers soins qu’il eût fallu prendre en effet dans toute cette discussion, c’était de définir précisément la notion du bien. — Dans les choses immobiles. Pensée obscure et insuffisamment développée. L’auteur veut dire sans doute qu’en faisant de l’Idée du bien en soi une essence éternelle et immuable, en perd de vue que cette idée n’est plus alors ni le bien spécial qu’on cherche dans les diverses circonstances de la vie, ni même cette notion commune du bien que suggère l’observation de plusieurs choses.
  2. Le but en vue duquel. Il semble que ceci est une réponse aux objections et une apologie de la théorie des Idées, plutôt qu’une critique. Mais il faut bien distinguer le bien suprême et le bien en soi. Dans la Morale à Nicomaque, cette distinction a été faite, sans que d’ailleurs l’opposition de ces deux notions soit aussi marquée qu’elle peut l’être ici. — La science souveraine… La politique. Voir une doctrine analogue dans la Morale à Nicomaque, livre I, ch. 1, § 9. — L’économique, et la sagesse. Il semble que ces deux dernières sciences ne devraient point être nommées ; on n’en attend qu’une seule d’après la phrase qui précède, et cette science souveraine, c’est la politique, comme dans la Morale à Nicomaque. — Nous en parlerons plus tard. Cette indication peut se rapporter en général à la Politique ; à l’Économique (livre 1er) et à la Métaphysique ; elle peut se rapporter aussi, dans la Morale à Eudème, au livre V, ch. 6, § 1, où la prudence et la politique sont comparées.