Page:Aristote - La Morale d’Aristote, Ladrange, 1856.djvu/14

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de la compliquer de questions secondaires, qui la restreignent et la rapetissent. Le philosophe a bien assez de sonder ce problème à la lueur de sa propre conscience. Son légitime orgueil peut s’en contenter, quand il sait le placer assez haut. Découvrir ces secrets de la sagesse vaut mieux que de gouverner le monde. La vérité sur ces grands objets une fois conquise, on peut s’en fier à l’humanité du soin de la féconder par les applications. Mais ces applications ne concernent pas le philosophe ; et il a presque toujours beaucoup à perdre en devenant homme d’État.

Certainement, Aristote ne pouvait plonger ses regards dans la postérité, et voir, à vingt siècles de distance, son livre servir à Bossuet pour l’éducation de l’héritier de Louis XIV. Mais sans parler de la gloire méritée que sa modestie pouvait bien se promettre, il n’avait qu’à jeter les yeux sur le passé. Que d’emprunts ne faisait-il pas à son maître, appuyé lui-même sur Socrate ? Que de leçons ne recueillait-il point de tous leurs prédécesseurs, dont il citait avec tant de complaisance les sages préceptes ? Croyait-il que, personnellement et par ses seuls efforts, il eût amené si haut la science morale, s’il n’avait été à leur école ? Les travaux de ses devan-