Page:Aristote - La Morale d’Aristote, Ladrange, 1856.djvu/250

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ccxui PRÉFACE.

les décourager. On a donc tort de maudire la civili- sation, dans l'intérêt de la vertu. Les âmes qui. de nos temps, font naufrage, n'ont toujours qu'à s'en prendre à elles seules ; car les moyens de défense se sont accrus plus encore que les périls. D'ailleurs, la civilisation, quoiqu'elle fasse, ne peut qu'améliorer la condition de l'homme ; elle ne la change pas ; et comme la vie, pour être plus facile, n'en est pas moins caduque, l'individu peut toujours puiser dans les en- seignements de la mort la juste mesure des attache- ments qu'il doit aux choses d'ici-bas.

Il est, je l'avoue, dans celle indépendance que l'on se fait en limitant et en dominant ses besoins, deux éciieils redoutables : ce sont l'orgueil, et l'indifférence, où risquent de se briser l'homme et le citoyen. Le sage du Stoïcisme n'a ni amis, ni famille, ni patrie; et il se met sans trop de peine en dehors de l'humanité. C'est une sorte de cruauté héroïque envers soi- même et envers les autres; on les dédaigne parce qu'on se croit supérieur, et aussi, parce qu'on ne pense qu'à soi, tout en se faisant son propre bour- reau. Voilà l'excès, qui d'ailleurs n'est à l'usage que des âmes les plus vigoureuses. Mais on n'est pas tenu de le commettre. L'apathie stoïcienne n'est pas de la sagesse, et l'on peut restreindre ses besoins sans dé-

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