on a la science et qu’on ne s’en sert pas, il peut y avoir
encore une grande différence selon l’état où l’on se trouve,
de telle sorte qu’on peut dire en quelque façon qu’on l’a
et qu’on ne l’a pas tout ensemble : par exemple, dans le
sommeil, la folie ou l’ivresse. J’ajoute que les passions,
quand elles nous dominent, produisent des effets tout pa-
reils. Les emportements de la colère, les désirs de l’amour
et les autres affections de ce genre bouleversent, par les
signes les plus manifestes, même notre corps ; et elles
vont aussi parfois jusqu’à nous rendre fous. Évidemment,
on doit reconnaître que les intempérants qui ne savent
point se maîtriser, sont à peu près dans le même cas, § S.
Faii’e néanmoins dans cet état les raisonnements qu’ins-
pire la vraie science, ce n’est pas une preuve qu’on ait sa
raison. Il y a des gens qui, dans le désordre même de ces
passions, vous donneraient des démonstrations régulières
et vous réciteraient des vers d’Empédocle, comme ces
écoliers qui, commençant à apprendre, enchaînent bien les
raisonnements qu’on leur enseigne, mais ne possèdent pas
cependant encore la science; car pour l’avoir réellement,
il faut se l’identifier, et il est besoin de temps pour cela.
Ainsi, les intempérants, il faut le croire, parlent de morale
§ 7. Selon l’état où l’on se trouva, ou peut-être Aristote, pour démontrer
Observation juste et profonde, et qui que les intempérants ont toute leur
servira plus loin à expliquer le plié- présence d’esprit, veut-il dire qu’ils
nomène de l’intempérance et la pos- réciteraient les vers les plus obscurs
sibilité de la faute. et les plus difficiles, par exemple ceux
§ 8. Des vers d’Empédocle. Il se- d’Empédocle. Dans le Traité de la
rait difficile de dire pourquoi le nom Respiration, eh. 7, § 5, page 258 de
d’Empédocle est ici choisi de préfé- ma traduction, Aristote en cite vingt-
rence à tout autre. Peut-être faisait- cinq qui justifient parfaitement cette
on apprendre ses vers aux enfants; réputation. — Comme ces écoliers...