Aller au contenu

Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/125

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pression, en parlant des enfants, ce n’est que pour faire entendre l’espérance qu’ils font concevoir ; car les conditions du bonheur sont, comme je l’ai dit, une vertu parfaite, et une vie accomplie. En effet, la vie est sujette à bien des vicissitudes, à bien des chances diverses ; et il peut arriver que celui qui est au comble de la prospérité, tombe, en vieillissant, dans de grandes infortunes, comme les poètes épiques le racontent de Priam. Or personne ne vantera sans doute le bonheur de celui qui, après avoir éprouvé de tels revers, serait mort misérablement.

X. Mais quoi ! ne peut-on prononcer qu’un homme soit heureux tant qu’il est vivant ? Et faut-il, comme le prétendait Solon[1], attendre la fin de sa vie ? s’il en est ainsi, pourra-t-on dire qu’il est heureux, lorsqu’il est mort ? ou plutôt, ne serait-ce pas une

  1. Suivant ce que racontent Hérodote (I. i, c. 31- 33), et Plutarque (Vit. Solon. c. 27), Solon, se trouvant à Sardes, Crésus, roi de Lydie, eut avec lui un entretien, dans lequel le sage athénien s’efforça de faire comprendre au riche et puissant monarque, qu’il ne faut pas se laisser éblouir par la prospérité présente, et qu’on ne peut assurer qu’un homme est heureux, tant qu’il n’a pas échappé à toutes les chances funestes que peut amener le cours de la vie. C’est la pensée exprimée dans ces vers d’Ovide : (Métam., I. 3, vers. 135.)


                                         Ultima semper
    Expectanda dies homini : dicique beatus
    Ante obitum nemo supremaque funera debet.


    (Voy. aussi Aristot. Eudem, I. 2, c. 1 ; Sophocl. Trachin., vs. I-3.)