Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/126

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chose tout-à-fait absurde, surtout quand on prétend, comme nous le faisons, que le bonheur est un certain emploi de l’activité ? Mais si nous n’affirmons pas que celui qui est mort soit heureux (et ce n’est pas, en effet, ce qu’a voulu dire Solon, mais seulement qu’on ne peut prononcer avec certitude sur le bonheur de l’homme qu’au moment où il se trouve hors de l’atteinte de tous les maux et de toutes les infortunes), cette assertion peut encore, jusqu’à un certain point, être contestée. Car il semble qu’après la mort on pourrait éprouver des biens et des maux, puisque, même pendant la vie, on en éprouve qui n’affectent point les sens, comme les honneurs et les affronts, les événements heureux ou malheureux qui arrivent à nos enfants, et, en général, à notre postérité. Mais cela même est encore sujet à quelque difficulté : car il est possible qu’il y ait bien des vicissitudes dans la fortune des descendants d’un homme qui aura vécu parfaitement heureux jusqu’à un âge avancé, et qui sera mort comme il devait mourir. Il peut se faire qu’entre ses descendants, les uns soient vertueux et jouissent du sort qu’ils méritent, tandis que les autres auront une destinée toute contraire : car il est évident qu’ils peuvent différer de leurs ancêtres de plus d’une manière. Il serait donc bien étrange qu’un homme, après sa mort, éprouvât toutes ces vicissitudes diverses, et qu’il devînt quelquefois heureux, pour redevenir ensuite malheureux ; et, d’un autre côté, il est difficile de comprendre que des parents soient entiè-