Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/476

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’où proviennent ces choses, n’est propre à aucune d’elles, ou leur appartient moins.

La différence du temps est encore à considérer ici ; car ceux qui ont donné la vie à d’autres êtres, les chérissent dès l’instant même de leur naissance ; mais ce n’est que lorsqu’ils sont un peu avancés dans la vie, lorsque leur intelligence et leur sensibilité ont acquis un certain développement, que les enfants chérissent les auteurs de leurs jours. Ceci même fait voir pourquoi la tendresse des mères est plus vive. Les parents aiment donc leurs enfants comme eux-mêmes ; car leur existence, détachée [s’il le faut ainsi dire] de celle des parents, en fait comme, d’autres êtres [en qui ils se retrouvent] : mais les enfants n’aiment leurs parents que comme la source ou la cause de leur existence.

La cause de l’affection réciproque des frères est la naissance qu’ils doivent aux mêmes parents ; car cette communauté de naissance leur inspire les uns pour les autres un même sentiment. Aussi dit-on qu’ils sont un même sang[1], qu’ils appartiennent à, la même souche[2], et autres expressions de ce genre ; ils sont donc, s’il le faut ainsi dire, une même substance dans des individus distincts. La nourriture commune et le peu de différence

  1. Voyez l’Iliade d’Homère (ch. VI, vs. 211), et l’Odyssée (ch. XVI. vs. 300).
  2. Expression employée par les poètes tragiques. Voyez l’Ion d’Euripide (vs. 1576), et les paroles de Théodecte, que cite Aristote dans sa Politique (l. i c. 2, § 19).