Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/537

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éprouve, dans un moment indivisible, est quelque chose de complet et d’entier. Pourquoi n’y a-t-il point de plaisir constant ? c’est que la faiblesse naturelle de l’homme ne lui permet pas de supporter un état de continuelle activité. D’ailleurs, c’est le plaisir qui donne à tous nos actes leur degré de perfection. — V. Nos actes sont de différentes espèces, et par conséquent aussi les plaisirs qui les perfectionnent. C’est pourquoi on ne fait avec succès que ce qu’on aime à faire, et l’on a bien de la peine à exécuter les actes d’une espèce, quand on est vivement touché des plaisirs d’une espèce différente. Il y a donc des plaisirs vertueux, puisqu’il y a des actions vertueuses : il y a aussi’ des plaisirs coupables, et dont on doit s’abstenir. Il suit de là que les plaisirs propres à l’homme de bien, au sage, sont les plaisirs véritables ; les autres ne méritent, ce nom que d’une manière secondaire ou relative, et non absolue. — VI. Une connaissance plus exacte de la nature du plaisir, nous met à même de mieux apprécier celle du bonheur. Il est incontestablement du nombre des choses qu’on doit préférer pour ellesmêmes. En fait d’actions, par exemple, on pourra ranger dans cette classe celles où l’on ne cherche rien de plus que l’action ou l’activité elle-même. Celles qui n’ont pour but qu’un amusement frivole et passager, ne peuvent évidemment pas contribuer au bonheur : il faut donc préférer celles qui sont agréables à l’homme vertueux, c’est-à-dire, celles qui sont conformes à la vertu. — VII. L’activité purement spéculative, ou contemplative, est ce qu’il y a de plus éminemment propre à la nature d’un être doué de raison et d’intelligence : c’est donc dans l’exercice d’une telle activité qu’un tel être doit trouver le bonheur, puisque c’est par elle qu’il peut jouir des plaisirs les plus délicieux et les plus purs, de ceux qui méritent incontestablement la préférence, par la constance et la sécurité qui les accompagnent. Joignez à ces avantages d’une vie consacrée tout entière à l’activité purement contemplative, celui de se suffire complètement à elle-même. Mais une telle vie semblé au-dessus de la condition humaine, et appartient peut-être exclusivement à la nature divine. Nous devons donc cultiver