Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/162

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de bien et que, tant vaut l’éducation, tant vaut l’homme qui l’a reçue. C’est pourquoi nous faisons l’éloge d’après les actes, mais les actes sont des indices de l’habitude morale, puisque nous célébrons les louanges d’un tel, indépendamment des choses qu’il a faites, si nous sommes fondés à le croire capable de les faire.

XXXIV. La béatification et la félicitation ne font qu’un seul genre d’éloge par rapport à celui qui en est l’objet, mais ces genres diffèrent des précédents ; de même que le bonheur comprend la vertu, la félicitation comprend aussi ces genres[1].

XXXV. La louange et les délibérations possèdent une forme commune, car ce que tu établiras en principe dans la délibération, transporté dans le discours, devient un éloge.

XXXVI. Ainsi donc, puisque nous savons ce qui constitue le devoir et l’homme du devoir, il faut que ce soit là le texte de notre discours, retourné et transformé dans les termes ; tel, par exemple, ce précepte qu’il ne faut pas s’enorgueillir de ce qui nous est donné par la fortune, mais plutôt de ce qui nous vient de nous-mêmes. Une pensée présentée de cette façon a la valeur d’un précepte. De cette autre manière, ce sera un éloge : « S’enorgueillissant non pas de ce qui lui était donné par la fortune, mais de ce qui lui venait de lui-même. » En conséquence, lorsque tu veux louer, vois d’abord ce que tu poserais comme précepte, et lorsque tu veux énoncer un précepte, vois sur quoi porterait ton éloge.

  1. Rapportons ici, avec L. Spengel, ce passage des Morales à Nicomaque : « Nous béatifions les dieux et nous les félicitons, et nous béatifions aussi les hommes les plus divins. Il en est de même des gens de bien ; car on ne loue pas le bonheur comme on loue ce qui est juste, mais on félicite, comme s’il s’agissait d’un être plus divin et meilleur. »