Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/171

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II. Si donc le plaisir est tel que nous le définissons, il est évident que l’agréable est ce qui causera cette disposition et que le pénible sera ce qui la détruit ou ce qui cause la disposition contraire.

III. Il s’ensuit nécessairement qu’il y aura sensation agréable, le plus souvent, dans le fait de passer à un état conforme à la nature et, surtout, dans le cas où reprendront leur propre nature les choses produites conformément à cette nature. De même les habitudes ; et en effet, ce qui nous est habituel devient comme naturel, et l’habitude a quelque ressemblance avec la nature. Souvent est bien près de toujours, et la perpétuité est un des caractères de la nature ; de même, la fréquence est un de ceux de l’habitude.

IV. (L’agréable), c’est encore ce qui est exempt de contrainte, car la contrainte est contraire à la nature. C’est pourquoi les nécessités ont quelque chose de pénible, et l’on a dit avec justesse :
Toute action imposée par la nécessité est naturellement fâcheuse[1].

Les soins, les études, la contention d’esprit sont autant de choses pénibles, car on s’en acquitte par nécessité ou par contrainte lorsqu’on n’y est pas habitué ; mais l’habitude rend tout agréable. Leurs contraires sont autant de choses agréables. Aussi le délassement, la cessation d’un travail fatigant, le repos, le sommeil comptent parmi les choses agréables ; car aucune d’elles ne se rapporte à une nécessité.

V. Toute chose en outre est agréable, dont nous

  1. Aristote, dans la Métaphysique, cite aussi le même vers en l’attribuant à Événus. Cp. Théognis vers 472. Voir la note de L. Spengel, éd. de la Rhétorique, t. II, p. 159.