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LIVRE II, CHAPITRE I

les vertus ; car les mêmes arguments qui permettront de donner telle disposition à soi-même serviront à un autre[1].

VIII. Il faut maintenant parler de la bienveillance et de l’amitié dans leurs rapports avec les passions. Or la passion, c’est ce qui, en nous modifiant, produit des différences dans nos jugements et qui est suivi de peine et de plaisir. Telles sont, par exemple, la colère, la pitié, la crainte et toutes les autres impressions analogues, ainsi que leurs contraires[2].

IX. On doit, dans ce qui concerne chaque passion, distinguer trois points de vue. Ainsi, par exemple, au sujet de la colère, voir dans quel état d’esprit sont les gens en colère, contre quelles personnes ils le sont d’habitude, et pour quel motif. Car, si l’un de ces trois points de vue était négligé, il serait impossible d’employer la colère (comme moyen oratoire). Il en est de même des autres passions. Donc, de la même façon que nous avons décrit en détail les propositions relatives aux matières traitées précédemment, nous allons en faire autant pour celles-ci et faire des distinctions aux divers points de vue que nous venons de dire.

  1. Ce qu’on a dit pour que l’homme devienne vertueux s’applique aussi bien au fait de rendre vertueux l’auditoire. Cp. liv. I, chap. IX, § 1.
  2. Cp. Morale à Nicomaque, II, 5 (énumération des passions) : « Le désir, la colère, la crainte, l’audace, la jalousie, la faveur, l’amitié, la haine, l’envie, l’émulation, la pitié, en un mot tout ce qui est accompagné d’une peine ou d’un plaisir. »