CHAPITRE II
I. La colère sera un désir, accompagné de peine, de se venger ostensiblement d’une marque de mépris manifesté à notre égard, ou à l’égard de ce qui dépend de nous, contrairement à la convenance.
II. Si la colère est bien ce que nous disons, il s’ensuit, nécessairement, que la personne en colère le sera toujours contre quelqu’un en particulier, par exemple, contre Cléon, et non contre un homme quelconque, et parce qu’on lui aura fait quelque chose à elle-même, ou à l’un de ceux qui dépendent d’elle, ou qu’on aura été sur le point d’agir ainsi. Nécessairement aussi, toute colère est accompagnée d’un certain plaisir, celui que donne l’espoir de la vengeance. En effet, on se plaît à la pensée d’obtenir ce qu’on désire ; or personne ne désire les choses dont l’obtention lui apparaît comme impossible ; mais la personne en colère désire des choses qu’elle croit possibles. Aussi rien de plus juste que ces vers sur la colère :
Qui, plus douce encore que le miel, qui coule avec limpidité, se gonfle dans la poitrine des hommes[1].
Elle est accompagnée de plaisir, et, pour cette raison, et encore parce que l’on vit dans la vengeance par la pensée, il en résulte que l’idée qui nous remplit l’es-
- ↑ Hom., Il., XVIII, 109.